Nucléarisation du territoire (80 km aux alentours de Bure)

L’Andra s’est implantée en Meuse en 1999 avec l’acquisition des 20 premiers hectares d’emprise du Laboratoire actuel. Depuis, grâce à une collaboration de l’organisme agricole de gestion foncière SAFER de la Meuse, elle a pu mettre en réserve plusieurs centaines d’hectares de terres agricoles et forestières quand elle ne les pas acquis en direct par des tractations prenant parfois des allures de harcèlement et de chantage à l’expropriation future. Ce sont à présent 3000 hectares de foncier dont elle dispose et récemment elle entreprend l’acquisition de bâti dans certains villages. Ce foncier lui sert de monnaie d’échange pour les parcelles qui l’intéressent et qui se déterminent au fil de la la détermination de son projet dans le temps.

Parallèlement à cette installation lente de Cigéo, les autorités et l’industrie nucléaire doivent démontrer qu’elles ne nuisent pas au territoire en faisant fuir ses habitant.e.s mais qu’elles œuvrent aussi à le « dynamiser » et l’enrichir financièrement et en terme d’emplois. Le projet en lui-même n’étant pas pourvoyeur rapide d’emplois, un certain nombre de projets annexes de l’industrie nucléaire sont projetés dans le territoire de la Meuse et de la Haute-Marne voisine.

Ainsi les promoteurs de Cigéo font-ils miroiter aux entrepreneurs et élus locaux depuis cinq ans tout un cluster de l’industrie nucléaire voué à s’implanter en Meuse et Haute-Marne.

Carte distribuée à la World Nuclear Exhibition 2014.

Après un projet avorté d’usine de bio-carburant à base de pulvérisation de 96000 tonnes de biomasse de bois par an à Saudron, porté par le CEA, c’est l’usine de retraitement de déchets radioactifs de faible activité à Gudmont-Villiers par Derichebourg qui a fait machine arrière, du fait d’une trop forte opposition de ses habitant.e.s. Et à présent c’est un projet de laverie des vêtements du nucléaire à Joinville qui déclenche des manifestations importantes depuis 2 ans. EDF a en revanche pu installer discrètement une plate-forme d’entreposition de pièces de centrales nucléaires à Velaines. Dans les lycées du département, des formations sont ouvertes en CAP et BTS en direction de l’industrie nucléaire. Et Orano et EDF ont posé des centres d’archives à Bure et à Houdelaincourt. Tout ça reste pour le moment très marginal et relève davantage de la poudre aux yeux que d’un véritable développement de territoire. Ce sont à peine une centaine d’emplois cumulés et pas nécessairement pourvu localement au final.

A chaque projet de nucléarisation, sa lutte

Lutte contre la blanchisserie nucléaire de Joinville.

Autres projets en cours:

Dans la zone d’hyper-proximité de Cigéo, EDF propose d’implanter un centre d’entreposage de pièces volumineuses et de pièces de rechange défectueuses, avant transfert vers les fournisseurs pour réparation. Un terrain a été acquis, d’environ 8 000 m2, à la commune de Bure. L’investissement s’élèverait à 5 M€ pour une mise en service prévue en 2023. Une base nationale de maintenance des outillages froids du parc sera accueillie à Tronville-en-Barrois. Objectif : optimiser la gestion, l’entretien, les contrôles réglementaires et la mise à disposition de ces outillages conventionnels. L’avant-projet sommaire a avancé en 2019, et est achevé, ouvrant la voie à l’avant-projet détaillé. L’allotissement de l’appel d’offres permettra aux entreprises locales de concourir. Les travaux débuteront mi 2021, pour un budget de 16 M€, et une mise en service prévue pour mi-2022.

(rapport d’activité 2019 de l’Andra)

Remarque : l’argument de désertification du territoire porté y compris par les opposant.e.s pour pointer l’opportunisme de l’implantation de l’Andra a pu aussi contribuer à invisibiliser davantage la richesse de l’existant dans ce département qui a une vie alternative, populaire et culturelle particulièrement dense et riche relativement à sa pauvreté. De même l’apparente aridité et le dénuement du plateau de Bure, très agricole, cerné d’éoliennes et couronné par son laboratoire qui ressemble à une énorme usine, donnent aux visiteurs, militant.e.s, journalistes, curieu.sex ou ingénieur.e.s la sensation que la région est hostile, vide et sans avenir, que Cigéo est peut-être en fin de compte moins pire ici qu’ailleurs. Pourtant les vallons très boisées et luxuriantes en biodiversité voisines et les villages pittoresques et anciens qui parsèment les deux vallées de l’Ornain et de la Saulx au nord de Bure donnent à voir un tout autre aspect du territoire.