[nos voisins lointains] Rejet d’eau contaminée de Fukushima, est-ce sans risques sanitaires ?

Publié sur le site « nos voisins loitains« , association française pour témoigner des conséquences de la catastrophe de Fukushima sur la population. Celleux ci ont publié une vidéo technique sur les problématiques des rejets de tritium dans l’eau, en lutte contre la volonté de rejeter les eaux contaminé de la catastrophe de Fukushima dans la mer.

Une chaine youtube est aussi existante avec des témoignages de personnes vivant au Japon lié à la catastrophe nucléaire: https://www.youtube.com/@voixdesvictimesdunucleai-wu7xv/videos

Le rejet à la mer de l’eau contaminée de Fukushima Daiichi aura-t-il lieu dans les semaines qui viennent malgré les protestations des pêcheurs japonais, et aussi des critiques sévères à étranger ?

Afin d’examiner de possibles conséquences sanitaires, nous présentons ici un message vidéo de Tim Deere-Jones, extrait de la série de messages vidéo d’experts internationaux, créée par Yosomono-Net, réseau international de ressortissants japonais pour la sortie du nucléaire.

Tim Deere-Jones, du Royaume-Uni travaille en tant que consultant, militant et chercheur indépendant dans le domaine de la pollution marine depuis les années 1980.

Il parle dans cette vidéo des risques sanitaires du tritium organiquement lié.
Il présente des recherches sur le transport mer-terre de la contamination radioactive, qui ont été réalisées au Royaume-Uni. À la lumière de celles-ci, de ses propres recherches, et en considérant les paramètres concrets de la côte entre Fukushima et Tokyo, notamment ceux du courant océanique Oyashio, il analyse les conséquences probables du rejet d’eau contaminée si celui-ci a lieu.

 

Courants océaniques
© http://www.soest.hawaii.edu/oceanography/bo/Q01.pdf

Transcription :

Je vais vous parler du rejet de l’eau tritiée de Fukushima. 

La première chose à mentionner est que,
dans les années 50, quand l’industrie nucléaire a commencé à rejeter de très grandes quantités de déchets radioactifs liquides dans la mer, elle n’avait aucune idée de la façon dont la radioactivité se comporterait dans les environnements marins.

Ainsi, en l’absence de données scientifiques l’industrie nucléaire a émis une hypothèse : le tritium liquide, sous forme d’eau tritiée, n’aurait qu’une faible importance biologique.

Puisqu’il a une demi-vie courte, il se dissoudrait à l’infini une fois dans le milieu marin, et comme il émet des radiations de faible énergie, on a supposé qu’il générerait de très faibles doses, uniquement par la consommation de poisson.

Cette hypothèse s’est rapidement fossilisée en orthodoxie nucléaire, malgré l’absence de preuves scientifiques à l’appui.

En termes de terabecquerels, la plus grande quantité de radioactivité cumulée rejetée en mer par la plupart des réacteurs nucléaires, consiste en fait en de l’eau tritiée. C’est pourquoi la défense de cette orthodoxie a été d’une importance capitale pour l’industrie nucléaire.

Toutefois, leur affirmation selon laquelle le tritium n’a qu’une faible importance radiologique
se révèle aujourd’hui tout à fait inexacte. Mais malheureusement, l’industrie refuse d’adopter 

les résultats des études scientifiques récentes qui ont contredit à peu près
tous les aspects de la position officielle.

En particulier, les recherches après les années 1990, publiées dans des revues à comité de lecture, ont prouvé de manière concluante que le tritium présent dans les eaux rejetées s’incorpore rapidement dans les cellules des plantes et des micro-organismes des environnements marins.

Ces recherches ont prouvé que le tritium organiquement lié, ou TOL, s’accumule dans les sédiments fins en suspension dans la colonne d’eau ou déposés dans les vasières, en particulier les vasières contenant un haut pourcentage de matière organique, où le TOL s’accumule dans les sédiments à des concentrations jusqu’à 250 fois plus élevées que dans l’eau de mer environnante.

Les animaux marins qui consomment cette matière organique accumulent le TOL plus rapidement que ceux exposés uniquement à de l’eau tritiée. Par conséquent, le tritium organiquement lié est beaucoup plus mobile sur le plan biologique à travers les réseaux alimentaires marins que le tritium non lié organiquement.

Ainsi on a la plus forte bioaccumulation de TOL chez les espèces proches du sommet de la chaine alimentaire tels que les poissons prédateurs et les mammifères marins. Chez ces espèces on trouve généralement des concentrations comprises entre 2000 et 6000 fois la concentration de l’eau environnante, mais on a trouvé jusqu’à61000 Bq/kg chez certaines espèces.

De plus, le TOL a une demi-vie bien plus longue 

dans les entités biologiques et persiste plus longtemps dans l’environnement que le tritium de l’eau tritiée.

Ainsi, le TOL a un impact dosimétrique bien plus grand que l’eau tritiée, et il est clair qu’il y a un risque significatif de doses alimentaires élevées de tritium via les produits de la mer.

Dès 2009, une recherche indépendante, publiée dans le Journal of Environmental Radioactivity, observait que les recommandations et conseils de l’industrie nucléaire sur l’impact dosimétrique des rejets d’eau tritiée ne reposaient pas sur des preuves et devaient être reconsidérés.

Étant donné le lobbying actuel de l’industrie pronucléaire, qui promeut le rejet des eaux de Fukushima, on voit que ces inquiétudes et observations n’ont pas été prises en compte et que les acteurs du nucléaire n’ont PAS reconsidéré leur position et pris acte des avancées scientifiques.

Il est clair, selon les données que je viens de partager, qu’il y a un très haut risque pour les consommateurs de produits marins de recevoir des doses importantes de tritium, sous la forme organiquement liée, via la consommation aussi bien de plantes que d’animaux marins.

Et des chercheurs indépendants affirment désormais que les produits marins ne sont pas la seule voie par laquelle les populations humaines sont exposées au tritium et au TOL.

Parce que selon l’orthodoxie nucléaire, le tritium, sous forme d’eau tritiée, se dissout dans l’eau de mer, l’industrie a échoué à mener des recherches sur les implications de ce fait.

Mais la recherche sur le comportement et le devenir d’autres radio-isotopes solubles et de ceux qui se lient auxmicroparticules organiques marines fournit des indications fortes sur le comportement du tritium et du TOL dans les environnements marins et côtiers.

Au Royaume-Uni, plusieurs études ont clairement montré que les pâtures de bord de mer, lessivées par la marée haute et les tempêtes, sont fortement contaminées par de la radioactivité aussi bien soluble qu’organiquement liée.

On a prouvé qu’il en résulte une exposition alimentaire à la radioactivité d’origine marine via la consommation de produits laitiers et de viande issus des animaux élevés sur ces pâtures côtières. De même, lorsque les environnements côtiers urbains et industriels sont lessivés par les tempêtes et marées hautes, plusieurs milliers de tonnes d’eau de mer et de sédiments, contenant de la radioactivité dissoute ou particulaire, ont exposé les habitants et les équipes de nettoyage à des doses significatives par contact et par inhalation.

Une autre voie significative d’exposition au tritium et au TOL, clairement montrée par le comportement de la radioactivité sous forme soluble ou particulaire, étudiée au Royaume-Uni, est le transfert de la mer à la terre des aérosols marins, dûs au ressac, que le vent emporte à plus de 16 km dans les terres.  Il a été prouvé que ce mécanisme dépose la radioactivité soluble sur les prés et d’autres cultures, de là elle entre dans la chaine alimentaire agricole et délivre des doses aux humains jusqu’à au moins 16 km des côtes.

Etant donné qu’il est avéré que les aérosols marins chargés 

de radioactivité soluble pénètrent jusqu’à 16 km dans la zone terrestre côtière, il apparait inévitable que les populations de la zone côtière soient également exposées à des doses par inhalation de la radioactivité en suspension. En raison de vents de mer dominants sur les côtes atlantiques du Royaume-Uni, il a été estimé que le transfert de la mer à la terre via 

les aérosols marins se produit plus de la moitié de l’année.

Et il semble très probable que sur la côte de Honshu dans l’Océan pacifique, de semblables mécanismes vont prévaloir. 

On a beaucoup communiqué sur l’affirmation de TEPCO queles autres radionucléides ont été éliminés par filtrage de l’eau stockée, mais on a négligé de signaler que ce procédé ne peut retirer en totalité les autres radionucléides. Il y a un large consensus parmi les chercheurs indépendants sur le fait que l’eau contient encore des quantités détectables de

Strontium-90, Cobalt 60, Iode-129, Ruthenium-106, Cesium-137 et Carbone-14 et qu’environ 70% de l’eau nécessite une purification supplémentaire. Cela ne devrait PAS être oublié lors de l’évaluation du projet de rejet à la mer des stocks d’eau tritiée.

Comme exemple de l’impact du transfert de la mer à la terre, nous avons une étude menée dans la zone côtière britannique.

Entre 1979 et 1985, une équipe médicale composée de médecins généralistes, d’un médecin consultant hospitalier, d’un médecin-chef hospitalier et d’un statisticien médical a mené une étude sur les concentrations corporelles de césium 137 sur des sujets des îles de Nord-Uist au large de la côte ouest de l’Ecosse.

Nord-Uist se trouve à environ 250 km à l’aval du site de retraitement de Sellafield. Les déchets radioactifs sont rejetés à la mer depuis Sellafield et transportés à travers l’archipel des Hébrides et au-delà du Nord-Uist par un fort courant en direction du Nord.

L’étude sur l’île a utilisé l’analyse par l’anthropogammamétrie au Scottish Universities Research Reactor Centre, et l’analyse par comptage gamma sur 96 heures de l’urine et des prises alimentaires des sujets (lait, viande d’agneau issus de l’élevage sur l’île, poisson, algues, légumes, herbes pâturées, plantes sauvages).

C’est la seule étude d’estimation de dose alimentaire que j’aie vue avec une telle richesse de données empiriques concrètesPresque toutes les études que j’ai vues sont basées sur des données “modélisées” largement hypothétiques, utilisant le comptage gamma sur 15 h seulement.

Sur l’île Nord-Uist, les chercheurs ont trouvé que l’environnement, des riches terres agricoles côtières jusqu’aux landes sauvages de l’intérieur, était contaminé par du Césium 137. On a trouvé du Césium 137 dans les algues servant d’engrais et de fourrage, dans les aliments sauvages tels que gibier et champignons, et dans la tourbe utilisée comme combustible domestique.

Le Césium 137 a été trouvé dans tous les échantillons analysés. La concentration était plus élevée dans les aliments récoltés sur l’île que dans leurs équivalents continentaux. 

Le ratio entre les signatures radiologiques du Césium 137 et du Césium 134 pointait clairement vers les rejets de Sellafield comme origine du Césium 137 trouvé. Et il est clair que le Césium a été transféré de la mer à la terre par une série de mécanismes dont j’ai parlé plus tôt.

On a trouvé des concentrations de Césium 137 dans l’urine des insulaires 6 fois plus élevées que chez les sujets témoins continentaux. Et les insulaires avaient des concentrations corporelles de Césium 137, 5 fois plus élevées que les sujets continentaux. 

L’insulaire ayant la concentration corporelle de Césium 137 issu de Sellafield la plus élevée ne mangeait ni poisson ni fruits de mer. Il vivait à 50 mètres de la côte et élevait des moutons, des vaches laitières et des bœufs ayant accès à des prairies côtières et intérieures et au littoral. Les insulaires consommant une plus grande quantité de produits de l’île montraient une plus grande concentration de Césium 137 issu de Sellafield que ceux consommant une plus grande quantité de produits importés.

La moitié des 30 groupes critiques situés en bord de mer près de sites nucléaires britanniques rejetant des liquides radioactifs, qui sont exposés à de multiples radionucléides, généralement au nombre de 7 ou plus, recevaient des doses via l’ingestion de produits marins inférieures à 10 micro Sieverts. En comparaison, l’exposition moyenne des insulaires

par ingestion du Césium d’origine marine uniquement, via les aliments terrestres, était de 13,7 micro Sieverts par an. 

Je pense donc que ce genre de comparaison vous donne une idée de l’importance et de la gravité des mécanismes de transfert mer-terre en terme de dose.

Voilà donc les données de base à propos des rejets.

Jetons un œil aux paramètres concrets qui contrôlent le mouvement 

de la radioactivité effectivement rejetée par Fukushima. 

L’influence majeure là-bas est le courant Oyashio. L’Oyashio est un puissant courant en direction du sud, qui transporte les eaux polaires près des côtes, sur la longueur des 250 km de la côte pacifique de Honshu. Il est hautement pertinent, par rapport au tritium organiquement lié, de noter que l’Oyashio est riche en matière organique.

Au sud de Fukushima, la côte de Honshu consiste généralement en une étroite plaine côtière et un arrière-paysplus élevé. De nombreux cours d’eau, charriant toujours plus de sédiments organiques, coulent vers l’est et le Pacifique, où elles rejoignent l’Oyashio.

Là où ce n’est ni urbanisé ni industrialisé, d’importantes zones côtières sont agricoles. Ainsi l’urbanisation de presque tous les deltas fluviaux le long de cette côte, l’exploitation extensive des terres et le développement des ports, causent l’effacement de la plupart des deltas et la disparition des dépôts côtiers de sédiments fins tels que vasières et marais salants.

La continuité de cette côte, avec peu d’environnements protégés où un courant faible permet aux sédiments de se déposer signifie aussi que, en conséquence de tout cela, le courant Oyashio transporte vers le sud de très grandes quantités de sédiments fins minéraux et organiques qui n’ont pas pu se déposer en bord de mer.

Cela signifie que l’Oyashio est très adapté à la formation et au transport du tritium organiquement lié. Il est clair queles consommateurs d’algues, poissons et mammifères élevés dans l’environnement de l’Oyashio seront exposés à des doses alimentaires détectables et significatives d’eau tritiée ET de tritium organiquement lié.

De plus, pendant les périodes de vent de terre et d’activité accrue des vagues, les côtes de Honshu « en aval » et au sud de Fukushima feront également l’objet d’un transfert de tritium de la mer vers la terre sous forme d’eau tritiée et dTOL, via les aérosols, les embruns et les épisodes d’inondations côtières. Les périodes prolongées de vents côtiers sont une caractéristique importante du cycle météorologique annuel et la côte Est de Honshu est victime de nombreuses tempêtes tropicales cycloniques.

Je n’ai pas de données sur le pourcentage de l’année au cours duquel des vents de terre de plus de 10 km/h soufflent sur cette côte, mais comme il s’agit de vents dominants, je m’attends à ce que ce pourcentage soit assez élevé.

Ce transfert d’embruns et d’aérosols de la mer vers la terre apportera à la fois des doses alimentaires et des doses par inhalation aux populations côtières à au moins 16 km  à l’intérieur des terres par le biais des mécanismes évoqués précédemment.

La côte pacifique de Honshu est sujette à de fréquentes inondations avec un impact sur des zones tant agricoles qu’urbaines et ce paramètre génère également des doses d’eau tritiée et dTOL par voie alimentaire, par contact et par inhalation. Sans oublier les autres radionucléides qui n’ont pas été éliminés de l’eau.

Sur la base des données résumées ci-dessus, je peux confirmer que le rejet des quantités massives d’eau stockée à Fukushima a le potentiel de délivrer des doses significatives et importantes, par inhalation et par ingestion, aux populations côtières de Honshu.

Ces populations ont déjà reçu des doses provenant de l’environnement marin consécutives à la fusion des réacteurs, et le projet de rejet des liquides stockés ne fera qu’aggraver ce fardeau.

Le fait que les autorités japonaises et nucléaires n’aient pas étudié les impacts historiques sur ces communautés côtières « éloignées » de Honshu et sur leur environnement, implique fortement qu’elles ne feront pas de telles études après le déversement des eaux tritiées.

Ces groupes de la côte de Honshu ont déjà été abandonnés par la science nucléaire et il est fort probable qu’ils seront bientôt les victimes sacrificielles du besoin et du désir de l’industrie nucléaire de se débarrasser des millions de litres d’eau tritiée de Fukushima.

Merci pour votre attention.

 

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Réferences:
Pour plus d’information et de références sur les travaux mentionnés dans cette vidéo, veuillez consulter les documents suivants (en anglais) report by Tim Deere-Jones and the Scottish research on North Uist.

À lire également dans notre blog : Rejeter du tritium dans l’environnement, est-ce un problème ?

À regarder également le message vidéo de Didier Anger, un militant antinucléaire résidant près de l’usine de retraitement de la Hague et de la centrale nucléaire de Flamanville, en France.

03/07/2023

Fukushima
tritium

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