Aussi publié sur le site nosvoisinslointains311, site avec « des paroles des sinistrés de l’accident nucléaire de Fukushima Daiichi ».
Version pdf en français ici.
Version pdf en japonnais ici.
« Des collectifs, des groupes et des citoyenNEs opposéEs au projet Cigéo ont envoyé un message de soutien aux habitantEs de Suttsu, ville de Hokkaido (Japon), qui sont confrontéEs au projet d’enfouissement des déchets radioactifs, tout comme à Bure.
Nous publions ici le texte original en français, ainsi que la traduction en japonais qui a été envoyée au groupe d’habitantEs de Suttsu opposé à ce projet.
Afin de savoir le contexte qui se déroule à Suttsu, lire l’article paru dans Médiapart cité dans le message.
Pour l’historique des projets d’enfouissement des déchets radioactifs, voir le document Notre colère n’est pas réversible cité également dans le message. »
Quand nous avons appris que le maire de Suttsu avait accepté qu’un centre d’enfouissement soit installé dans cette ville sans consultation préalable de la population, et qu’une partie de celle-ci s’oppose à ce projet, alors il nous a semblé nécessaire d’écrire ce texte.
L’article publié dans Médiapart le 28 février 2022 par Johann Fleury ne pouvait nous laisser insensible, tant ce qu’il raconte fait écho à notre propre histoire. « Image de village poubelle », « manque de transparence des autorités locales sur le dossier », « [inquiétudes] de voir le visage du port de pêche détruit », un maire qui « veut récupérer les subventions pour développer la ville. », « 15 millions d’euros sont versés à chacune des deux communes. »… Pour nous, tout ça donne une impression de déjà-vu.
Dès les années 1980, plusieurs sites ont été sélectionnés sans aucune consultation préalable des populations locales, ce qui a suscité des protestations fermes de leur part. En effet, en 1987, quatre sites sont arbitrairement choisis en France par le gouvernement pour y enfouir des déchets radioactifs. Devant le soulèvement et le refus sans concession des populations, des agriculteurs et des élus locaux, le gouvernement change de stratégie et à partir des années 1991, il cherche à susciter des candidatures volontaires de la part des communes, en échange de promesses de développement économique et d’une reconnaissance nationale. Il ne parle alors plus de site d’enfouissement mais de laboratoire de recherche afin d’apporter à cette démarche une dimension expérimentale et non définitive.
Des communes qui ont candidaté, il retient 3 sites. 5 millions de francs sont rapidement envoyés à ces communes[1], accompagnés d’une vive propagande locale en direction des élus et dans les écoles. Des enquêtes publiques entachées d’irrégularités ont lieu et concluent à un avis favorable, malgré les nombreuses réserves et contestations exprimées par la population.
L’ANDRA installe alors son laboratoire à Bure, petite commune du département meusien, en vue d’y construire son centre de stockage. Le site de Bure est choisi entre autres, pour la faiblesse démographique, pas tant parce-que la géologie est plus favorable qu’ailleurs. L’ampleur du chantier s’annonce par la suite gigantesque, et impacte les villages alentours.
Depuis l’implantation du laboratoire, on retrouve la stratégie qui se développe chez vous, à Suttsu : des sommes importantes d’argent sont distribuées chaque années sur le territoire pour décorer, entretenir les bâtiments, rénover les routes. On créé des villages carte postale ; pourtant, chez nous, ces villages se vident toujours davantage.
Les sommes versées pour les communes se multiplient, pour flamber neuf et acheter la conscience de petits commerçants locaux. Des débats publics sont organisés pour rassurer la population, toutefois les avis exprimés ne sont jamais pris en compte. Une partie de la population opposée refuse de se taire et maintient son opposition sous diverses formes : manifestations, occupations, conférences, festivals, textes, recours juridiques…
Mais si ces actions ralentissent l’avancement de l’ANDRA et révèlent son manque de transparence et ses faiblesses, le gouvernement et l’industrie nucléaire continuent de fermer les yeux et d’avancer tête baissée, pendant que les propriétaires fonciers, et particulièrement les agriculteurs, subissent des pressions de la part de l’ANDRA et de l’organisme d’acquisition, la SAFER qui opèrent main dans la main pour accaparer les terres qui manquent à la réalisation du projet, ou pourraient servir de monnaie d’échange dans les transactions. 30 ans après le laboratoire, le projet Cigéo n’est toujours pas autorisé, mais il avance, faisant fi des obstacles financiers, technologiques et d’acceptabilité.
Le 8 juillet 2022, le gouvernement accorde l’utilité publique pour le projet, ce qui autorise l’ANDRA à commencer les expropriations et les premiers travaux. Cette utilité publique est donnée alors que les avis récoltés au cours de l’enquête ne sont pas unanimes. 4 158 contributions ont été recueillies, parmi lesquelles trois pétitions en défaveur de Cigéo regroupant 2 129 dépositaires. De plus, l’avis de l’Autorité Environnementale déposé en 2021 alerte sur les inconnues et défaillances de l’étude d’impact de Cigéo déposée par l’ANDRA.
Il y aurait tant à dire sur cette histoire, mais l’objectif de ce texte n’est pas tant de la raconter et faire ressortir nos similitudes, mais bien d’exprimer avant tout notre soutien à la lutte qui prend forme à Suttsu.
Oui, nous pensons que les habitant.e.s de Suttsu ont raison de craindre pour la sécurité de leurs enfants et petits enfants. Oui, nous pensons qu’ils ont raison de redouter la destruction du paysage et de leurs activités économiques.
Oui, nous pensons qu’ils ont raison de dénoncer le manque de transparence des autorités administratives. Car il ne s’agit pas là d’un projet anodin, mais d’un projet qui engage et impacte, pour les centaines d’années à venir, les habitant.e.s qui vivent sur ce territoire, et les générations futures. Un centre d’enfouissement est dangereux, et impacte les terres, les aménagements, la vie et la sécurité de celles et ceux qui y vivent. Dès lors, rien ne justifie que ces derniers ne puissent avoir leur mot à dire. Contrairement aux promesses des autorités, des projets de stockage radioactif sont dévastateurs pour nos territoires et représentent des freins économiques pour leur avenir : personne ne veut vivre à côté d’un stockage radioactif. Les promesses de développement sont des mensonges destinés à faire accepter les projets.
Ce texte s’adresse aux habitant.e.s de Suttsu à qui nous souhaitons manifester notre soutien, mais il s’adresse aussi au reste de la population japonaise, qui peut et doit, sans aucun doute, prêter main forte et jouer un rôle dans le rapport de force engagé.
L’enfouissement des déchets nucléaires ne doit pas être vu comme une fatalité. La production de ces déchets n’est pas indépendante de notre pouvoir et volonté : dès lors, nous pouvons agir. C’est même là notre devoir moral.
Le 7 septembre 2022
Signataires
CACENDR (Collectif d’Actions contre l’ENfouissement des Déchets Radioactifs)
CEDRA (Collectif contre l’Enfouissement des Déchets RAdioactifs)
EODRA (Elu.e.s Opposé.e.s à l’Enfouissement des Déchets RAdioactifs)
Et des citoyen.nes opposant.e.s.
Pour plus d’Information sur Bure lire notre colère n’est pas réversible.
[1] Au mois de janvier 1994.
11/10/2022
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