Archives : bulletin comité de soutien de Lille en 1980 (Plogoff, Chooz,..)

Salut !

Vu le contexte nucléaire actuel avec l’annonce de poursuite de la filière en France (EPR, mini-centrales,..), il est bon de se rappeler que les luttes antinucléaires d’hier ne sont pas si éloignées, et que leur compréhension à partir de sources premières (témoignages, archives) peut donner de la force, inspirer et parfois éviter de retomber dans les mêmes écueils. Une contribution à la réflexion parmi tant d’autres adressée à celleux qui poursuivent aujourd’hui la lutte contre le nucléaire..
Voici Court-circuit, un bulletin lillois publié en 1980 par un comité de soutien aux luttes anti-nucléaires. Publié à chaud après l’enquête publique de Chooz, ce bulletin témoigne avec un ton pinçant des divisions au sein du mouvement antinucléaire, prenant position contre les marches pacifiques, la récupération électoraliste (les Verts, notamment), le lobbyisme pro énergies « vertes » ou plus largement le réformisme (textes : Ce que nous voulons et La Hague 28-29 juin) . De l’autre côté, il souligne et développe sur le caractère radical des luttes survenues à Plogoff et à Chooz, qui ont mené à la constitution de ce comité de soutien, et desquelles iels préconisent de s’inspirer pour poursuivre le mouvement anti-nucléaire, de manière plus offensive (textes : sans titre et Plogoff). Le texte relate également le déroulement des 6 semaines d’enquête publique à Chooz, résume la lutte de Plogoff en terminant sur des pistes stratégiques (mobiliser à la fois contre le projet à Plogoff mais aussi contre les centrales en france), et laisse d’ici de là des bribes d’informations et de réflexions sur le comité de soutien lui-même (texte : Soutien aux luttes antinucléaires annonce la couleur). Les textes ont été recopiés sous les images : il manque une chronologie de la lutte de Chooz (que nous n’avons pas réussi à relire) et un extrait d’un article pro-nuke de l’Humanité (il y en a tellement, pourquoi se donner la peine de recopier?..).

Bonne lecture et à bientôt !

Des antinuk’ parti·es en ballades dans les archives

 

 


 

COURT CIRCUIT (1 FR)

COMITE LILLOIS DE SOUTIEN AUX LUTTES ANTI-NUCLEAIRES

CE QUE NOUS VOULONS :

Créé à l’occasion du soutien à la lutte des habitants de Plogoff par des militants anti-nucléaires, le comité de soutien aux luttes antinucléaires, nommé à l’époque Comité Plogoff, a permis de regrouper ceux qui refusaient la voie suivie par les officiels du mouvement, la voie du compromis, de la soumission, car le combat de Plogoff a apporté un souffle nouveau à la lutte contre le nucléaire, il a remis à l’ordre du jour les formes d’actions radicales, il nous a montré que pour s’opposer au programme nucléaire il n’y avait pas 36 solutions, qu’il fallait se battre pied à pied, centrale par centrale, que s’en était fini des rassemblements-woodstock, des parlottes, des combinaisons électorales, des marches pacifiques.

Cette voie s’est de nouveau confirmée par la lutte des habitants de Chooz, qui jour après jour pendant 6 semaines se sont opposés à l’enquête d’utilité publique. C’est donc cette volonté de lutte, qui a motivé notre intervention à Plogoff, en commun avec le comité de lutte Plogoff de Dunkerque, et notre opposition à la manipulation opérée par ceux qui veulent collaborer et qui cherchent à noyer les perspectives de luttes dans des débats fumeux sur les énergies nouvelles ou les degrés de radiations supportables par les populations.

Nous nous opposerons à tous ceux qui embourbent la lutte antinucléaire, espérant faire pression sur les partis, les syndicats, l’EDF et le pouvoir par des commissions de surveillance ou des plans énergétiques alternatifs.

Cela n’empêchera pas la construction de centrales et revient de fait à accepter le programme électro-nucléaire français, en y ajoutant simplement un peu plus de démocratie.

CONTRE LE NUCLÉAIRE, UNE SEULE ALTERNATIVE : RÉSISTANCE POPULAIRE !


Après le rassemblement de Plogoff, il nous sembla nécessaire de soutenir toute lutte de résistance à l’implantation d’une centrale, de ce fait, selon la disponibilité de chacun, nous décidâmes d’être présents les derniers jours de l’enquête d’utilité publique à Chooz (en effet les mass médias ne daignèrent en parler qu’à l’extrême fin de cette enquête, ce qui ne permit pas de briser l’isolement imposé à la population. C’était participer à un véritable combat sur le terrain avec une population ouvrière et avec une minorité de jeunes de là-bas, obligés la plupart du temps de quitter la région pour trouver du travail.

L’accueil très chaleureux que nous réservèrent les habitants de Chooz, nous prouva qu’ils attendaient le maximum de soutien pour résister jusqu’au bout, ce à quoi ils étaient entièrement résolus. Actuellement la lutte antinucléaire s’engage véritablement, pour une population, à partir du boycott de l’enquête d’utilité publique : mascarades évidentes puisque le gouvernement n’en tient pas compte. (cf: Plogoff). Dès lors aucun compromis n’est possible, il s’est créé un véritable climat d’occupation. Un contingent de CRS et de gardes mobiles envahissent le village chaque jour pour protéger les documents.

Les habitants étaient traités par les flics comme un ennemi intérieur à chasser. L’échec d’une tentative de résistance non-violente (les CRS n’hésitant pas à tabasser les manifestants assis devant les cars, ou à viser les personnes âgées avec des grenades) amena alors les habitants à employer des formes d’actions plus radicales. Les dernière illusions tombèrent au sujet de l’apparente démocratie de la société Giscardienne. Les gens là-bas en tirèrent aussi des leçons face aux partis qui ne firent rien pour les soutenir et aux organisations écologistes qui n’ont pas fait circuler l’information dans toute la France.

Le vendredi 13 juin fut une journée importante, on attendait des manifestants belges. Une grande partie de ceux-ci fut bloquée à la frontière, plus de 300 réussirent à déjouer les barrages.

Nous étions environ 600 ce soir-là à l’Angélus. Les affrontements furent encore plus violents qu’à l’ordinaire. Les CRS nous ont chargé à travers champs en lançant leurs grenades à tir tendu.

Lundi nous étions beaucoup moins nombreux, mais un petit groupe a improvisé avec des bûches de bois un barrage qui aurait réussi à bloquer les cars, si le reste des manifestants n’avait été isolés à la suite d’un accident d’un car de CRS. Le lendemain il s’agissait pour le dernier jour de marquer le coup. Durant la nuit des barrages furent installés sur les deux routes menant au village. Cela a permis de retarder l’arrivée des CRS d’une demi-heure et ils ont parcouru 2km en 1 heure.

L’expérience de ces 6 semaines d’enquête a permis de tirer les leçons pour la continuation de la lutte contre les expropriations et contre les installations du chantier EDF.


SOUTIEN AUX LUTTES ANTINUCLEAIRES, annonce la couleur :

Comme nous l’avons fait pour Chooz, bien que tardivement, nous ferons tout pour populariser ces combats, pour leur apporter un soutien matériel, voire par notre présence sur place aux côté des habitants en lutte. Nous nous donnerons les moyens de mobiliser les forces qui refusent effectivement le programme nucléaire, afin d’empêcher la construction de nouveaux sites, de stopper ceux qui existent déjà.

C’est donc dans ce sens que nous appelons au rendez-vous donné par le Comité de Défense de Chooz, les 5 et 6 juillets, afin de voir avec eux comment empêcher la construction de la 2ème centrale.


PLOGOFF

Mai 1976 : la Mairie de Plogoff est informée du projet de construction d’une centrale ;

Juin 1976 : Refus du conseil municipal, traduit par des actions concrètes (barrages de routes) pour empêcher les sondages de terrain prévus à cette époque. Recul d’EDF. Sondages reportés.

1977 : plus de nouvelles de la centrale prévue, mais la lutte continue. (sensibilisation de la population).

1978 : les autorités régionales prennent position pour la centrale. Manifestation en Septembre regroupant 40000 personnes à Brest et à Quimper.

1979 : Création d’un CFA (groupement foncier agricole). Construction d’une bergerie.

Toutes ces actions depuis 4 ans n’ont pas fait reculer le pouvoir qui décide de démarrer l’enquête d’utilité publique au début de l’année 80. L’État met en place un dispositif exceptionnel pour imposer la « démocratie ». Cette mascarade est vivement rejetée par les habitants de Plogoff qui s’affrontent pendant les mois de Février et Mars, jour et nuit aux gardes mobiles et CRS en tous genre. Résultant, après 30 jours de « résistance offensive » et 4 ans de refus systématique d’une centrale par tous les habitants de la région, la centrale a été décrétée d’utilité publique. Plogoff est un enjeu d’une grande importance dans la lutte antinucléaire et il faut absolument soutenir les habitants de Plogoff et être prêt à réagir immédiatement aux nouvelles agressions qui auront lieu sur le site. Seule une mobilisation de masse offensive ancrée dans la population et chez les travailleurs, sur des objectifs concrets, pourra faire gagner Plogoff. Par exemple :

– des procès intentés contre EDF, les expropriations doivent donner lieu à des manifestations nationales avec des objectifs (ministère)

– préparer nationalement la résistance aux expropriations tout cela allant dans le sens de construire un vaste mouvement de mobilisation pour empêcher concrètement et physiquement la mise en place et le début des travaux.

Seule l’existence de telles perspectives redonne aux antinucléaires des tâches concrètes partout où ils se trouvent pour :

– mobiliser à la fois contre le projet à Plogoff

– mais aussi renforcer la mobilisation contre les centrales en France.


LA HAGUE 28-29 JUIN : Ni kermesse, ni bulletin de vote, ni chauffe-eau solaire…

Plogoff par sa façon de s’opposer au nucléaire a permis de remettre à l’ordre du jour la lutte contre le nucléaire en France.

Le rassemblement de la Pentecôte à Plogoff, en plus de la solidarité nécessaire aux habitants, devait servir au mouvement anti-nucléaire pour définir les axes de lutte, se coordonner, faire progresser les luttes en France. Or, l’organisation du rassemblement était telle qu’aucun débat réel sur ces questions n’ont pu avoir lieu.

A La Hague, voilà qu’on nous propose une kermesse, une « fête » à côté du centre de retraitement, où l’on aura les sempiternels débats de spécialistes.

Une logique dans ces types de rassemblements :

Derrière ce type de rassemblement, il s’agit en fait de faire cautionner par la plus grande masse possible d’individus des projets politiques précis du type « écologiste » ou réformiste. Les perspectives que nous offrent ces projets là ne se fixent plus comme but de bloquer par les luttes le programme nucléaire, mais de faire pression sur les pouvoirs publics, les partis de gauche, les syndicats afin d’influer les décisions du pouvoir et d’EDF.

Pour cela, on propose au mouvement anti-nucléaire d’établir des « Plans Alternatifs », on organise des rassemblements de fête ; d’autres proposent des candidats aux élections. Cette logique ne peut qu’emmener le mouvement anti-nucléaire à l’échec.

Car c’est nier les véritables raisons pour lesquelles le pouvoir veut imposer le nucléaire. C’est ne pas se rendre compte de l’enjeu que celui-ci représente pour lui.

Pourquoi nous impose-t-on le nucléaire ?

Le nucléaire n’est ni un mauvais calcul économique, ni un « délire de technocrates fous », mais un mode de développement du capitalisme, qui lui permet de se restructurer pour survivre (recontraction de capitaux, super-profits des sociétés construisant le nucléaire, vente de centrales à l’étranger, renforcement de l’impérialisme français…)

Pour imposer leur choix politique qu’est le nucléaire, EDF et le pouvoir ont développé l’argument démagogique et faux de la prétendue « crise de l’énergie ». Le choix du nucléaire représente donc pour le pouvoir et l’EDF des enjeux tellement importants qu’il est illusoire de croire qu’on pourra le faire reculer par des rassemblements-fêtes pacifiques des plans alternatifs et un mouvement de pression sur le pouvoir, les partis et les électeurs.

De quel mouvement anti-nucléaire avons-nous besoin ?

On peut se rendre compte aujourd’hui qu’il existe deux voies différentes dans le mouvement anti-nucléaire :

– il y a ceux qui luttent sans compromission comme à Plogoff, à Chooz ou ailleurs ; ou contre le déchargement des déchets à Cherbourg, en s’en donnant les moyens.

– ceux qui au nom de la crédibilité, sont prêtes en réalité à s’accommoder du nucléaire, en contre-partie de compensation du type : « développement des énergies alternatives, commissions de surveillance ou de sécurité dans les centrales,… »

Ce qu’il faut donc construire aujourd’hui, c’est un mouvement anti-nucléaire de lutte qui se coordonne, qui se fixe des objectifs offensifs et qui renforce le type de lutte concrète qu’ont mis en avant Plogoff, Chooz ; qui développe d’autres luttes radicales ayant comme but de bloquer la construction des centrales et du programme électro-nucléaire en France.

C’est pourquoi nous appelons à une Assemblée Générale pendant le rassemblement : « POUR UN MOUVEMENT ANTI-NUCLEAIRE OFFENSIF » : axes de lutte, coordination…

 

Comité lillois de soutien aux luttes anti-nucléaires

04/01/2022

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