[États-Unis] Un projet de décharge de déchets radioactifs abandonné

Publié à l’origine en Anglais sur le site Beyond Nuclear International

 

Un plaidoyer infatigable délivre une victoire

Une grande coalition et un soutien juridique ont remporté une lutte acharnée pour arrêter la décharge de déchets radioactifs d’Holtec, écrit Kevin Kamps*

 

Le projet conjoint de Holtec International et d’Eddy-Lea Energy Alliance (ELEA) visant à construire et exploiter la plus grande décharge de déchets radioactifs de haute activité au monde, à mi-chemin entre Hobbs et Carlsbad, a été abandonné. Il s’agit d’une victoire durement acquise en matière de justice environnementale (EJ), grâce au travail inlassable de personnes Autochtones, ainsi que des organisations populaires, environnementales et des allié.es de l’intérêt public depuis plus d’une décennie. Ensemble, iels ont réussi à bloquer un dangereux projet de décharge et des milliers d’expéditions de déchets radioactifs « Tchernobyl mobile » que son ouverture aurait été lancée à l’échelle nationale.

 

Beyond Nuclear a lutté contre cette installation de stockage provisoire consolidée (CISF) portée par Holtec-ELEA depuis son lancement le « jour de la folie nucléaire » (1er avril 2017), lorsque le PDG de Holtec, Krishna Singh, a dévoilé publiquement la demande de licence CISF qui venait d’être soumise à la Commission de Régulation du Nucléaire (NRC) des États-Unis, lors d’une conférence de presse au Capitole.

 

En fait, Beyond Nuclear et ses allié.es de la coalition ont écrit au NRC en octobre 2016, avertissant que les CISF — comme le Partenaire de Stockage Provisoire (ISP) au Texas, à quelque 40 miles à l’est du site d’Holtec — étaient selon elleux illégaux, et exhortant l’agence de cesser et de s’abstenir de traiter ces demandes. Le NRC a ignoré nos propres avertissements et ceux des autres et a procédé à l’enregistrement des demandes de licence.

 

Une représentation artistique de ce à quoi aurait ressemblé le site de stockage extérieur « provisoire » des déchets radioactifs d’Holtec au Nouveau Mexique. (Image : Holtec International)

 

De nombreuses années d’intenses procédures de licence du NRC sur les CISF de Holtec et de l’ISP, ainsi que des examens environnementaux connexes, ont suivi. Notre coalition s’est engagée à chaque étape, aux côtés d’allié.es environnementaux au Nouveau-Mexique, au Texas et dans tout le pays. Par exemple, nous avons battu des records, en termes de nombre (plusieurs dizaines de milliers) de commentaires publics s’opposant aux deux décharges, lors des phases d’enquêtes environnementales, ainsi qu’aux étapes de la « déclaration de schéma d’impact environnemental », malgré le fait que ce dernier ait eu lieu pendant la pandémie de Covid-19.

 

Les partenaires de la coalition environnementale locale comprenaient Don’t Waste Michigan, et d’autres […]. Ensemble, nous avons généré plusieurs dizaines de contestations dans les procédures du NRC, qui ont toutes été rejetées, ces décisions étant rapidement confirmées par les commissaires du NRC malgré nos appels. Notre coalition, qui comprend une entreprise de pétrole et une ferme, ainsi que les États du Nouveau-Mexique et du Texas, a ensuite interjeté un appel devant trois cours d’appel fédérales distinctes dans tout le pays. De nombreuses années de batailles judiciaires fédérales ont eu lieu, jusqu’à la Cour Suprême des États-Unis.

 

[…]

 

Notre combat a été considérablement renforcé par les membres et les partisan.nes de Beyond Nuclear au Nouveau-Mexique et au Texas — la plupart d’entre elleux sont des fermier.es et des arboriculteurices fruitiers — qui ont avec détermination et pendant de nombreuses années fourni un statut juridique pour nos interventions auprès du NRC et nos appels devant les tribunaux fédéraux.

 

Le Nouveau-Mexique est un État « majoritaire et minoritaire ». C’est-à-dire qu’une majorité de la population de l’État est Autochtone ou Latino/a. Le leadership Autochtone fourni par le All Pueblo Council of Governors, et le leadership Latino/a de l’Alliance pour les Stratégies Environnementales, ont grandement aidé à sécuriser cette victoire en matière de justice environnementale contre la décharge Holtec-ELEA. Depuis des temps immémoriaux, un grand nombre de nations Autochtones ont eu des liens/connexions avec le site convoité par le CISF, adjacent à Laguna Gatuna dans le sud-est du Nouveau-Mexique, comme en témoigne le riche dossier archéologique trouvé là-bas, qui serait également mis en danger si le projet avait été construit et exploité.

 

En fait, comme l’a rapporté le National Park Service, « White Sands possède la plus grande collection d’empreintes humaines fossilisées », sur la base desquelles « les dernières recherches montrant que les humain.es vivent en Amérique du Nord et dans le bassin de Tularosa depuis au moins 23000 ans. » On pensait auparavant que les humain.es étaient arrivé.es en Amérique du Nord plus près de 13500 – 16000 ans auparavant.

 

White Sands National Park dans le bassin de Tularosa n’est pas loin à l’ouest des CISF Holtec-ELEA et ISP, chevauchant la frontière entre le Nouveau-Mexique et le Texas. Cette zone du centre-sud du Nouveau-Mexique avait déjà été ciblée pour des sites de stockage récupérable surveillé (MRS) similaires à ceux de la CISF, tout comme ils ont également été ciblés sur la réserve Mescalero Apache, d’abord par le tristement célèbre négociateur sur les déchets nucléaires du Département Américain de l’Énergie (DOE), Dave Leroy, et plus tard par le consortium de l’industrie des services nucléaires, Private Fuel Storage (PFS).

 

Le Nouveau-Mexique a subi des abus nucléaires en série depuis la création du Laboratoire National de Los Alamos par J. Robert Oppenheimer lors du projet Manhattan en 1943, qui a abouti à l’explosion désastreuse de la bombe « test » au plutonium « Trinity » le 16 juillet 1945. Le Nouveau-Mexique a subi l’une des pires catastrophes radiologiques de l’histoire des États-Unis, avec la rupture du bassin de résidus de l’usine d’uranium dans le Rio Puerco le 16 juillet 1979, en amont de la communauté de Red Water Pond Road dans le chapitre Church Rock de la nation Navajo-Diné. Dans sa lignée macabre, le NRC avait officiellement lancé la procédure de licence Holtec CISF avec un avis publié dans le registre fédéral le 16 juillet 2018.

 

Malgré cette formidable victoire de la justice environnementale, nous devons rester vigilant.es. ELEA a déjà déclaré qu’elle cherchait un nouveau partenaire pour nucléariser son site du sud-est du Nouveau-Mexique, y compris pour faire le retraitement. Outre le fait qu’il s’agit d’un processus de destruction de l’environnement, avec des rejets à grande échelle de radioactivité dangereuse dans l’air, le sol et les eaux de surface et souterraines, la séparation du plutonium 239 fissile des déchets hautement radioactifs par retraitement constitue également un risque flagrant de prolifération des armes nucléaires. Le retraitement est également astronomiquement coûteux, et le public en portera la responsabilité.

 

Pour sa part, Holtec a également déclaré qu’elle continuerait simplement à chercher un « emplacement collaboratif » (anciennement appelé « emplacement basé sur le consentement ») dans le cadre d’une initiative continue du DOE. Holtec a récemment ciblé des communautés de l’Arkansas. De nombreuses fois depuis plusieurs décennies maintenant, les communautés à faible revenu et/ou Noires/Autochtones/Personnes de couleur (BIPOC), en particulier les réserves Amérindiennes, ont été ciblées pour de tels projets par l’industrie nucléaire.

 

[…]

 

*Kevin Kamps est le spécialiste des déchets radioactifs chez Beyond Nuclear.

21/10/2025

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