Tribune publiée sur Reporterre le 22 octobre 2021, par le Comité centrales, collectif ligérien contre «l’atomisation du monde» qui rappelle la longévité — un demi-siècle — des luttes contre l’enfouissement des déchets nucléaires. Il a réalisé le film Notre terre mourra proprement, qui sortira d’ici la fin de l’année 2021.
Coucou, c’est nous ! Nous, habitantes et habitants de territoires que l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra) a cherché à coloniser depuis plus de quarante ans.
Nous, qui souhaitons rappeler la résistance unanime qui fut la nôtre dans des dizaines de régions françaises – du Gard à la Bretagne, de l’Aisne à la Dordogne.
Nous, qui avons refusé les déchets nucléaires, que ce soit chez nous ou ailleurs. Que nous soyons paysans, enseignants, artisans, commerçants, quels que soient nos opinions politiques, notre âge ou notre genre, nous nous sommes unis pour empêcher la mission civilisatrice de l’Andra qui visait à souiller nos terres — sans tenir compte des générations à venir — en nous imposant une poubelle pour l’éternité.
Nous qui, par nos luttes, avons montré que la France, les Françaises et les Français, n’ont jamais consenti aux centrales nucléaires qui leur avaient été imposées dans les années 1970. Pourquoi aurions-nous, sinon, dès les années 1980, refusé en bloc ses rebuts ? Rebuts qui nous apportaient pourtant, à nous, le bas peuple de la France rurale sacrifiée, l’indépendance promise par l’ordre électrique et sa civilisation de lumière et de connaissance…
Alors que l’enquête publique du projet d’enfouissement de déchets nucléaires du Centre industriel de stockage géologique dit Cigéo — dans le nom duquel il n’est fait mention ni des déchets ni du nucléaire — est en cours, après plus de vingt ans de corruption méthodiquement organisée aux confins de la Meuse et de la Haute-Marne, nous ne pouvions rester silencieux.
En effet, lorsqu’on lit le récit que l’Andra fait de sa propre histoire, on se rend compte de l’aspect colonial de sa funeste entreprise. Mis à part la contestation des quatre premiers projets de laboratoire d’enfouissement en Anjou, à Bourg-d’Iré ; en Gâtine, à Neuvy-Bouin ; dans l’Aisne, à Montcornet ; et en Bresse, à Saint-Jean-sur-Reyssouze entre 1987 et 1990, aucune mention n’est faite de nos soulèvements :
Dans tous ces lieux, nous avons dit NON aux multiples projets de laboratoires d’enfouissement. Plus récemment, en 2008, à Auxon et Pars-lès-Chavanges, dans l’Aube, c’est « sous la pression des opposants », et pas du tout du fait « du libre arbitre des habitants », selon l’Andra, que des communes initialement volontaires refusèrent finalement l’installation d’un site pour la gestion des déchets « faiblement actifs » à vie longue.
Enfin, en Haute-Marne et en Meuse, c’est sans interruption depuis 1993 que nous disons et que nous continuerons de dire un grand NON à l’enfouissement, au nucléaire et à son monde.
« Nous, les vieux fourneaux de la lutte contre les déchets nucléaires, avertissons l’Andra de notre retour prochain dans l’Est. »
Et si l’Andra se vante qu’en « août 1998, […] les maires d’une quinzaine de communes voisines installent des panneaux “Oui au labo” aux frontons de leurs mairies », elle ne pourra pas en dire autant pour Cigéo, qui aura vu cette année le refus par les communes de Bure, d’Horville-en-Ornois, de Ribeaucourt et de Mandres-en-Barrois de la demande de déclaration d’utilité publique du projet par lequel elles sont les premières concernées. Un nouvel échec cuisant qui n’empêche aucunement le processus autoritaire de l’acceptation de continuer à cadence forcée : depuis un mois, c’est avec fracas que l’enquête publique tente encore de faire exister un semblant de débat qui n’aura jamais vraiment eu lieu.
La réalité, c’est que l’Andra procède, depuis un quart de siècle, à la colonisation par l’achat massif des consciences et des terres dans ce pays, aux confins du Barrois et de la Lorraine, pourtant déjà traumatisé par les guerres du XXe siècle. Depuis le début, il était clair pour tous les opposantes et les opposants que le concept de « laboratoire », utilisé par l’industrie nucléaire comme un cheval de Troie, était né dans l’esprit de quelques énarques pour laisser le temps aux ingénieurs d’installer les fondations du plus grand projet industriel en Europe, et à la population de se résigner.
C’est cette histoire, notre histoire, que raconte le film Notre terre mourra proprement, qui sortira d’ici la fin de l’année 2021. Nous sommes quelques-unes et quelques-uns à avoir donné notre témoignage, pour rappeler, au moment où l’État s’apprête à passer outre les centaines de milliers de personnes qui ont résisté à l’Andra depuis des décennies, la violence et le mépris avec lesquels la nucléocratie a cherché à corrompre nos pays.
Par cette tribune, nous, les vieux fourneaux de la lutte contre les déchets nucléaires, avertissons l’Andra de notre retour prochain dans l’Est pour nous rappeler à son bon souvenir !
Premiers signataires (par ordre alphabétique) :
Toutes les personnes qui souhaiteraient également signer cette tribune peuvent le faire en écrivant à : comite_centrales@riseup.net
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