La France frappée de plein fouet : Une catastrophe peut en cacher une autre

Texte envoyé par mail suite au report de la semaine antinucléaire. Version pdf ici : une catastrophe peut en cacher une autre

Publié à l’origine sur les blogs de mediapart.

 

Et si le lien entre le nucléaire et le covid-19 était moins ténu qu’on l’imagine ? Les analogies ne manquent pas entre la pandémie du coronavirus et une contamination radioactive. Le pays est paralysé par une catastrophe sanitaire qui révèle de graves dysfonctionnements et un manque patent d’anticipation. La situation serait pire encore en cas d’accident nucléaire.


L’accident de la centrale nucléaire de Dampierre en Burly, survenu durant la nuit du 3 au 4 février 2021, n’est toujours pas maitrisé. Il vient d’atteindre le niveau 7 sur l’échelle INES et la France est frappée de plein fouet par cette catastrophe qui fait vivre à ses habitants une crise aussi inédite qu’inattendue. Du jamais vu depuis la dernière Guerre mondiale. Une crise si grave que c’est le monde occidental qui tremble et personne à ce jour ne peut prédire les conséquences de ce drame, sur le plan sanitaire, bien sûr, et sur le plan économique, aussi. Personne non plus ne peut dire, n’ose dire, quand et comment nous pourrons en sortir. Une seule chose est sûre, au prix de milliers de vies impactées, preuve est faite d’un système défaillant derrière son apparente modernité, derrière sa performance sans cesse vantée.

Ne nous a-t-on pas asséné, depuis toujours, que notre système était le meilleur, que le monde nous enviait nos équipements, nos savoir-faire et nos spécialistes ? Un système que nous avons même exporté ; un système où la logique d’une économie à court terme avait dangereusement perverti son objet même. Et pourtant, malgré des alertes régulièrement réitérées, la catastrophe est bien là. Tout est allé si vite. D’abord une situation que l’on croyait maitriser, banalisée par certains. Les médias, relayant le politique, étaient pourtant unanimes : il ne faut pas s’inquiéter. Nous devions seulement rester confinés. Et puis, de l’aveu même de ceux qui se voulaient rassurants, nous n’en sommes plus là et le pire est à venir. L’ensemble de la région Centre-Val de Loire est contaminé en raison des rejets de plutonium et autres produits radioactifs dans le bassin versant de la Loire, en aval de Dampierre en Burly. La France est coupée en deux et la totalité du territoire national est désormais impacté. Après quelques tentatives d’exode, tous les français sont confinés, à l’exception de ceux qui sont au front, pour suivre le lexique guerrier du Président. Le périmètre de sécurité de 20 km autour des centrales nucléaires françaises n’a plus aucun sens. Les hébergements prévus au plan d’évacuation, notoirement insuffisants, ne sont plus d’aucune utilité. Les pastilles d’iode, auxquelles la population n’a pu accéder, sont un remède totalement dérisoire. La gravité et l’ampleur du drame nous fait oublier le manque total d’anticipation face à une telle catastrophe.

Une fiction ? Bien sûr. Espérons qu’elle ne soit pas prémonitoire, tant les analogies ne manquent pas entre le coronavirus et la contamination radioactive. On observe dans les deux cas une organisation dont les manquements sont réputés très peu probables, mais qui s’effondre lorsqu’une faille grippe le système ; un mal invisible qui frappe sans discernement ; l’hyper protection individuelle et le confinement comme seule parade ; le sacrifice des uns pour sauver les autres… On se croyait à l’abri d’une telle pandémie, du moins on pensait pouvoir y faire face, comme aujourd’hui nos gouvernants minimisent le danger de l’énergie atomique.

Et si le lien entre le nucléaire et le covid-19 était moins ténu qu’on l’imagine ? Il serait même tout à fait d’actualité quand on sait que pour la première fois dans l’histoire du nucléaire français, EDF a déclenché le lundi 16 mars un « plan pandémie » à la centrale de Flamanville. Cette disposition exceptionnelle consiste à réduire au maximum l’effectif présent sur le terrain afin d’éviter d’éventuelles contaminations entre les salariés, la continuité de la production d’électricité étant réalisée avec un minimum de personnel. Le quotidien en ligne Reporterre précise que « du côté des sous-traitants, qui réalisent 80 % des activités de maintenance des centrales et sont les plus exposés aux risques d’accident et à la radioactivité, l’inquiétude et la colère vont grandissants (…) Inquiets, des sous-traitants ont décidé d’exercer leur droit de retrait »[i].  Inquiets, nous aurions nous aussi de bonnes raisons de l’être. D’autres font aussi le lien avec Lubrizol en notant que « tout le monde semble s’accorder à dire que la vraie catastrophe n’est pas le virus, mais les dysfonctionnements qu’il dévoile à tous les niveaux de ceux qui prétendent à notre gestion, dans ces rares moments donc, on se sent fortement dépossédés de l’instant, tant l’envergure de la situation semble nous dépasser, tant ce à quoi nous faisons face est invisible : pollution, radiation ou virus »[ii].

L’heure ne serait pas à la critique de cette gestion ? Avec Bruno Latour, nous sommes bien conscients qu’« il y a peut-être quelque chose d’inconvenant à se projeter dans l’après crise alors que le personnel de santé est, comme on dit, « sur le front », que des millions de gens perdent leur emploi et que beaucoup de familles endeuillées ne peuvent même pas enterrer leurs morts. Et pourtant c’est bien maintenant qu’il faut se battre»[iii]. En effet, la gravité de la situation ne doit pas nous empêcher, dès maintenant, de penser à l’après.

Après, c’est une évidence, il faudra urgemment se préoccuper des moyens à accorder à notre système de soin et tirer les enseignements de cette crise sanitaire. Il faudra prendre en compte que cette crise n’est exceptionnelle que parce que c’est la première du genre. Nous avions tort de croire être à l’abri des maladies infectieuses ; assurément la fonte du permafrost nous en réserve quelques-unes.

Après, et tout aussi urgemment, il faudra programmer la fin du nucléaire, cette exception française. La question contestée de sa capacité à régler le problème du réchauffement climatique[iv], qui n’en demeure pas moins la priorité des priorités, ne doit pas nous faire oublier le danger réel et peut-être imminent que représente l’énergie nucléaire.

Gouverner c’est prévoir. De cela aussi il faudra tirer les enseignements.

Patrick Rousseau, 3 avril 2020

[i] Reporterre, le quotidien de l’écologie, Dans les centrales nucléaires, le corona virus inquiète les sous-traitants, 19 mars 2020. https://reporterre.net/Dans-les-centrales-nucleaires-le-coronavirus-inquiete-les-sous-traitants

[ii] A l’Ouest.Info, site cooératif d’informations locales-Rouen et alentours, La catastrophe et nous : de Lubrizol au Corona en passant par Fukushima, 26 mars 2020. https://a-louest.info/La-catastrophe-et-nous-de-Lubrizol-au-Corona-en-passant-par-Fukushima-931?var_mode=recalcul

[iii] Bruno Latour, Blog, Exercice pour préparer l’après crise sanitaire pour être sûr que tout ne reprenne pas comme avant, posté le 28 mars 2020 http://www.bruno-latour.fr/fr.html

[iv] Greenpeace, le nucléaire est-il une solution pour le climat ? https://www.greenpeace.fr/nucleaire-solution-climat/

17/04/2020

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