La trahison anti-nucléaire de Dominique Voynet, en 1999

Par exemple, une belle manif qu’on avait fait avec […] des bottes de paille etc, c’était contre la Dominique Voynet. Puisque pour la première manifestation qu’il y avait eu à Chaumont, la Dominique Voynet était là, comme écolo, elle avait promis que ça se ferait jamais… Ben on a bien vus ce que ça voulait dire… On est venus avec des bottes de paille puis il y avait le vent qui soufflait bien, alors les bottes de paille fumaient, les flics étaient devant, ils en ont bouffé !! Alors là c’était… merveilleux !

(Poubelle la vie, automedia Bure, 2015, de 26:50 min à 27:35 min)

La récente nomination de Dominique Voynet au sein du Haut comité pour la transparence et l’information sur la sécurité nucléaire (HCTISN) a fait polémique.

Surnommée « la fossoyeuse du nucléaire » après l’arrêt de Superphénix en 1998 qu’elle facilita, elle est fustigiée d’être à la fois « provocatrice« , « nuisible« , « traîtresse, menteuse et incompétente » par… des députés LR/RN !

Enfin, pour Pascal Praud, le chroniqueur à CNews qui essuie polémique sur polémique, sa nomination est « presque aussi baroque que de nommer un vegan au contrôle qualité d’une charcuterie ou un antivaccin ministre de la Santé. […] Dominique Voynet dans un comité nucléaire, c’est José Bové au conseil d’administration de McDonald’s« .

Ils en oublieraient presque que Dominique Voynet a retourné sa « veste » depuis plus de 25 ans, en signant, en tant que ministre verte, pour l’enfouissement des déchets nucléaires à Bure – alors qu’elle s’y était opposée quelques années avant ! « Traîtresse » et « menteuse« , qu’ils disent ? Ne pourrions-nous pas dire la même chose ?

Plus étonnant encore, comme pour prendre sa défense, le « média de l’écologie » Reporterre souligne face à la « droite et [l’]extrême droite furieuses après la nomination de Dominique Voynet dans le nucléaire » que « cette instance d’information et de débat sur les risques liés aux activités nucléaires, comprend des parlementaires de tous bords ainsi que des acteurs de la filière et des associations. Rien d’anormal donc à la nomination de l’élue écologiste. » Aucune nuance apportée quant à ses bifurcations et un manque de critique totale envers l’instance nucléaire.

Les médias et députés de droite et d’extrême-droite s’appuient à rappeler qu’elle a mis un frein à Superphénix en 1998, mais ils oublient de mentionner ses agissements en faveur de l’enfouissement des déchets nucléaires à Bure en 1999 – et sa trahison quant à ses engagements anti-nucléaires..

Une propagande en marche qui pourrait donner l’impression d’un pluralisme quant à la surveillance du désastre nucléaire, en plein renouvellement. Mais il n’en est rien..

Revenue en politique en juin 2024 comme députée du Doubs, le pantin Dominique Voynet est avancé comme un pion en faveur de l’acceptabilité sociale du nucléaire au sein du HCTISN, tout comme le pantin Nicolas Hulot, lui aussi Vert, avait été nommé ministre de l’écologie sous Macron I en 2017, et allait trahir ses engagements anti-nucléaires, en acceptant, lui aussi, la réalisation de CIGEO à Bure.. Il s’était pourtant fait photographier disant l’inverse, quelques années avant..

Une trahison politicienne de plus à rappeler, tout comme celle des Verts en Provence-Alpes Côte d’Azur, survenue en 2006, en faveur du projet de fusion nucléaire ITER :

Extrait de « Le soleil en boîte » – court-métrage bonus sur ITER, donnant suite au film Les dépossédés Antoine Costa, 2016. Prise de parole d’Antoine, opposant à ITER :

« A propos d’ITER, les Verts n’ont pas voté pour ITER mais ils se sont faits un petit arrangement en 2006 au Conseil Régional PACA entre le PS, [Michel] Vauzelle [Président de région PACA] et les Verts, comme quoi : « Vous nous laissez faire ITER, et en échange on vous offre une belle petite malette de billets pour vos petits projets écolo. » Donc voilà, les Verts ont eu 70 millions d’euros, donc ils se sont faits acheter plus ou moins.
Les Verts ont accepté, c’est ce qu’ils appelaient « alter-ITER » : 1€ pour ITER, 1€ pour les énergies renouvelables.
[…] Donc les Verts, par rapport à ITER, ils se disaient opposés, mais en même temps ils ont eu leur argent pour faire leurs petits projets à côté. Donc c’est vrai que nous, c’est à partir de ce moment-là qu’on s’est vraiment séparés – cette acceptation d’ITER, il n’en était pas question. En tant qu’anti-nucléaires, on ne peut pas accepter un projet comme ça : ITER, on n’en veut pas. Je pense que ces gens-là, ils desservent le mouvement anti-nucléaire, et même ils nous cassent le travail parce que du coup, les gens pensent, au final, que le nucléaire c’est pas si dangereux : on a vingt ou trente ans pour s’en débarrasser, petit à petit on y arrivera, ça urge pas.. Alors que non : ça urge, le danger, il est là. On a eu de la chance jusqu’à présent.. […] Et après, c’est vrai que ça change la relation. On ne passe plus pour opposants, on est presque partenaires…« 

Alors que d’aucun.es continuent de mettre de l’espoir dans les partis politiques et les promesses électorales pour mettre un terme au nucléaire, il est toujours bon de rappeler à la trahison de ceux-ci, qu’il s’agisse de Dominique Voynet, Nicolas Hulot, François Mitterrand, et certainement aussi la trahison de LFI qui vient. Il est vain et naïf de souhaiter la fin du nucléaire – énergie capitaliste, autoritaire, militariste et coloniale – avec les outils de ce même système. Nous ne mettrons fin au nucléaire que par le rapport de force, et par les initiatives multiples et variées autonomes, sans délégation de la lutte à de quelconque politicien.nes, récupérateur.ices ou traîtres.ses en devenir.

Pour revenir sur le parcours de trahison de Dominique Voynet, auquel nous rappelle l’actualité, voici une double page (p. 60-61) issue de : Poubelle atomique – galerie de portraits, collectif Bure Stop (2023) – que Reporterre aurait mieux fait de lire récemment… :

Dominique Voynet

Militante écologiste et anti-nucléaire, elle compte en 1984 parmi les fondateurs du parti « Les Verts », lequel s’oppose logiquement à tout projet d’enfouissement des déchets radioactifs. Elle signe les pétitions, vient à Bure aux manifestations. Elle cosigne pourtant un décret assassin en 1999… et reconnaît la réalité de l’influence du lobby nucléaire.

Décembre 1994, elle défile avec un millier de manifestants à Chaumont, contre le projet de laboratoire de recherche géologique en Haute-Marne, prélude selon elle à l’enfouissement des déchets nucléaires. En janvier 1995, au sujet des méthodes d’approche pratiquées par l’Etat pour trouver un site d’accueil pour les laboratoires, elle déclarait : « Pas de Lorraine poubelle. Je rappelle que le département de la Meuse (…) n’a pas été choisi parce que son sous-sol est particulièrement propice, mais parce qu’il est en crise grave et que cela peut apparaître comme une opportunité de développement. Moi je pense que c’est quelque chose qui s’apparente presque à la prostitution, dans la mesure où le gouvernement propose de l’argent à des collectivités locales pratiquement hors d’état de refuser de telles sommes. » (L’Est Républicain, déc. 1995).

Du peu de pouvoir des ministres

En 1997, elle entre dans le gouvernement pluriel Jospin en tant que ministre de l’Aménagement du territoire et de l’Environnement. En septembre 1997, alors que des enquêtes publiques sont opérées sur les quatre sites finalement pressentis pour accueillir un laboratoire de l’Andra, elle reçoit une délégation de représentants de tous les collectifs et élus opposés à l’enfouissement, du puissant syndicat des vignerons du Côtes-du-Rhône et du Conseil d’éthique du Gard. Elle annonce qu’elle n’a pas de position définitive mais ne remet pas en cause la loi Bataille. Le « Midi Libre » titrera le lendemain : « Dominique Voynet a changé de casquette« . Elle est en prise direct avec le monde du nucléaire en France et déclare en 1998 : « Le nucléaire fait partie des zones d’ombre de la vie politique française. On débat de la place de l’automobile, on débat de la politique de la chasse. On ne débat quasiment jamais du nucléaire. » (Le Monde, 19/05/1998). Pour autant, elle finit par céder sur des sujets essentiels, trahissant la ligne de son parti.

Boas et autres couleuvres

Prônant la « real-politik« , elle cosigne le décret du 3 août 1999, autorisant la construction du laboratoire de recherche géologique en Meuse/Haute-Marne. Elle se justifie d’un sidérant : « Ma signature ne vaut pas approbation ! Je prends acte au titre de ma fonction, c’est tout. Mais je ne peux pas faire plus que contenir le phénomène » (Est Républicain, 25/08/1999).

Incompréhension totale et colère se manifestent au sein de son parti et de nombreux collectifs d’opposition à Bure. Elle est vertement critiquée. Suite à la « Lettre ouverte de Didier Anger à Dominique Voynet et aux militants verts » intitulée « Dominique, comment as-tu pu signer cela ?« , elle évoque des pressions écrasantes : « Ne sous-estimons pas le poids, ni l’influence, d’un lobby puissant : établissements de recherche (avec le tout-puissant CEA, son budget annuel de 18 milliards et un effectif de 16 000 personnes, etc), grands groupes industriels (EDF, Cogema, Framatome), salariés exposés au chantage à l’emploi. (…) Nous avons eu à maintes reprises l’occasion de vérifier ces institutions. » Elle se déclare satisfaite d’avoir obtenu l’arrêt du surgénérateur Superphénix et du projet de centrale nucléaire au Carnet. Pour les laboratoires de recherche géologique, elle dit s’être « battue pied à pied » et elle se justifie en invoquant la « nécessaire condition de réversibilité du stockage souterrain, et avec le caractère expérimental des laboratoires qui ne recevront à ce titre aucun déchet » (Nucléaire : des boas et autres couleurs, Vert Contact, 11/09/1999). La recherche engagée début 2000 pour désigner un second laboratoire, mais dans le granite, sera un échec immédiat face à l’opposition massive et coordonnée sur les quinze lieux pressentis. La Mission Granite est stoppée dans son élan, l’Andra n’aura pas de second site à creuser et à expérimenter : elle est priée d’aller voir ce qui se passe en Suède et Finlande, pays étudiant le stockage souterrain dans le granite.

Le remords ?

Sénatrice de 2004 à 2011, lors des débats parlementaires relatifs à la loi de 2006, elle rappelle que « plus de 50 000 habitants de la Meuse et de la Haute-Marne se sont exprimés dans le cadre d’une pétition organisée par le monde associatif« . Elle tente, en vain, de proposer un amendement (n°69) destiné à faire précéder la décision d’enfouir « d’un débat public, d’une consultation par voie référendaire des populations des départements concernés par le site, et d’un vote au Parlement« . Regrette-t-elle alors sa signature ministérielle si décisive en 1999 ?

30/03/2025

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