source de la photo : Handout / Ukrainian presidential press service / AFP
Entre deux brèves plus ou moins longues sur les Jeux Olympiques, l’incendie à Marathon (sic!), de nouveaux meurtres commis pas la police, et le retour qui s’annonce au feuilleton politicien post-dissolution, les médias nous ont informé en deux mots qu’un incendie s’est déclaré hier dans la centrale nucléaire de Zaporijjia, au coeur du conflit russo-ukrainien. Ce matin, une brève AFP titrait : l’incendie à la centrale nucléaire de Zaporijjia est « complètement éteint ».
Tout est sous contrôle – dans le meilleur des mondes. L’info repassera sous silence dès que possible.
Peu de temps pour le retour en flèche des souvenirs du 4 mars 2022 lorsque les forces russes s’étaient emparé de la centrale nucléaire de Zaporijjia. Cible de guerre plus que stratégique, la centrale avait subit des bombardements, laissant planer le spectre d’un potentiel nouveau « Tchernobyl » sur le continent.
Depuis l’annexion de certaines parties de l’Est de l’Ukraine début 2022, la Russie se considère également propriétaire de la centrale nucléaire de Zaporijjia. A peine quelques jours avant l’annexion de la centrale, Rosatom a fondé une nouvelle filiale dédiée spécifiquement à sa reprise. Et en décembre 2022, c’est bien avec le dirigeant de Rosatom Alexei Lichatchov – et non avec les autorités ukrainiennes – que négocie Rafael Grossi, directeur général de l’AIEA, pour la mise en place d’une zone protégée autour de la centrale.
Selon les échos recrachés par la presse française ce lundi 12 août 2024, un incendie s’est déclaré dimanche soir dans le système de refroidissement de la centrale nucléaire ukrainienne de Zaporijjia, toujours occupée par les forces armées russes.
L’Ukraine et la Russie s’accusent mutuellement : selon Yevhen Yevtouchenko, chef de l’administration militaire de Nikopol – de l’autre côté de la rivière d’Enerhodar occupée où se trouve la centrale, – les forces russes auraient mis le feu à des pneus de voiture dans les tours de refroidissement pour faire croire que la centrale était en feu. « Il s’agit peut-être d’une provocation ou d’une tentative de créer la panique dans les colonies situées sur la rive droite de l’ancien réservoir », a déclaré Yevtouchenko.
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a également déclaré que la Russie utilisait la centrale pour faire chanter Kiev et jouer sur les craintes occidentales d’une escalade.
La Russie, quant à elle, a imputé l’incendie à des tirs d’obus des forces ukrainiennes. Ces affirmations n’ont pas pu être confirmées par les journalistes.
Selon le gouverneur de la région, Yevgeny Balitsky, les six réacteurs de la centrale « sont en arrêt à froid ». Il n’y aurait donc aucune menace d’explosion, de fuite ou de perte de contrôle. Par ailleurs, « le rayonnement autour de la centrale nucléaire et de la ville d’Energodar est normal », écrivait-il.
Du côté de l’Agence internationale de l’Energie Atomique (AIEA), des experts sur place ont vu « une forte fumée noire s’échapper de la partie nord » du site après avoir entendu « de multiples explosions dans la soirée », et ont été informés par la direction « d’une attaque présumée de drone » sur l’une des deux tours de refroidissement, a déclaré l’instance onusienne.
L’AIEA a réclamé « un accès immédiat » à la zone affectée « afin d’évaluer les dommages » et de « déterminer la cause possible de cet événement ». Le directeur général de l’Agence, Rafael Grossi, appelle par ailleurs à « cesser » de telles « attaques irresponsables qui […] augmentent le danger d’un accident nucléaire ». « Tout incendie sur le site ou ses environs implique le risque d’une propagation à des installations essentielles pour la sûreté », a-t-il rappelé.
Difficile de savoir si ce ne sont là que de vaines paroles adressées aux médias et à l’opinion publique, ou si des actes pourraient être mis en oeuvre pour épargner la centrale de Zaporijjia de nouvelles attaques. En effet, depuis mars 2022, l’AIEA n’a pas sanctionné les agissements de Rosatom en Ukraine, et en particulier concernant la centrale de Zaporijjia : par exemple en retirant son soutien à l’entreprise dans son expansion à l’étranger (note : sur les 20 projets de nouvelles centrales nucléaires de Rosatom, 17 se trouvent hors de Russie). L’influence de Rosatom au sein de l’AIEA est présente jusqu’au plus haut niveau puisque le poste de directeur général par intérim est ainsi occupé par Mikhail Chudakov, lui-même ancien manager de Rosenergoatom – filiale de Rosatom.
Au niveau de l’Union Européenne, on constate que des sanctions contre Rosatom n’ont pas été émises dans le package de sanctions menées en 2023, car le conglomérat russe de l’atome a une forte influence en Europe. En effet, un cinquième de l’uranium utilisé dans l’UE provient directement de Russie, sans compter les mines d’uranium gérées par ou avec la participation de Rosatom au Canada, en Afrique du Sud, en Australie, aux USA et au Kazakhstan. On perçoit là la dépendance énergétique sous-jacente, et l’hypocrisie de façade d’une opposition aux bélligerants russes, alors que les intérêts sont tout autres (en tout cas, cette opposition de façade permet bien de faire accepter à l’opinion publique les ventes d’armes massives à l’Ukraine…).
Les Etats-Unis, le pays avec le plus de centrales nucléaires au monde, achètent quant à eux un quart de leur uranium à Rosatom. Et au niveau français, la « coopération stratégique » conclue par l’entreprise d’Etat française Framatome avec Rosatom a sans doute joué un rôle central dans l’absence de sanctions à l’égard de Rosatom. Et rien n’aurait été étonnant, si des sanctions avaient été toutefois prononcées à l’encontre de Rosatom, qu’elles n’aient pas été appliquées et n’eut aucun impact (il en est de même de l’AIEA)…
Pour en savoir plus sur le contexte, une brochure sur les accords nucléaires entre la France et la Russie (Framatome / Rosatom) et les répercussions sur la guerre russo-ukrainienne, était parue récemment sur bureburebure.info : Quand Rosatom et Framatome sont sur le même bâteau (Ausgestrahlt, hiver 2023-2024, traductions-bureburebure, 16 pages, juin 2024)
Aujourd’hui encore, la plus grande centrale nucléaire d’Europe cristallise toutes les angoisses liées à un incident intentionnel de la part des belligérants du conflit entre la Russie et l’Ukraine, et nous rappelle à quel point le nucléaire est un levier stratégique majeur pour les Etats (dissuasion et chantage à l’attaque nucléaire, production et trafic d’armes nucléaires, risques d’accident, pollutions et radio-activité,..).
Face à ces nouvelles de plus en plus désastreuses, continuons de nous opposer à la folie des Etats de se doter de centrales nucléaires ! A bas tous les Etats et le nucléaire !
Un.e anarchiste anti-nucléaire
12/08/2024
On relaie un article, traduit de l’allemand d’un article du blog d’eichhörnchen (08.06.24) qui nous livre un récit subjectif ainsi qu’un communiqué de presse suite à une act... Lire la suite