Ci-dessous une double page issue de : Poubelle atomique – galerie de portraits, collectif Bure Stop (2023)
« « Tous acteurs d’un pari fou » #2 recense des personnes jouant ou ayant joué un rôle singulier pour faire aboutir Cigéo au sein d’un système qui permet le brouillage des esprits, la valorisation personnelle et un court-termisme suicidaire à l’échelle de l’humanité. Petites mains sur le terrain ou grands faiseurs dans l’ombre, elles participent à la préservation du mythe insensé d’un nucléaire prétendument propre et vertueux mais qui nous mène chaque heure un peu plus au bord du point de non-retour. »
Suite au non-renouvellement du mandat de sénateur de Gérard Longuet, il nous semblait important de rappeler, en plus de son passé néo-nazi rédigé par le BAF Nancy, à quel point Gérard Longuet a participé à l’industrie du nucléaire et a contribué très activement à l’implantation du projet CIGEO à Bure. Encore en 2022, c’est lors d’un colloque pro-nucléaire qu’on l’y a trouvé à vanter avec avidité la relance du programme électro-nucléaire… Un nucléocrate loin de passé inaperçu par ici non plus.. On se souvient des quelques détournements vidéo faits à son effigie en 2016-2017. Aussi, il se raconte qu’il se serait fait en-chantilly-é la gueule en 2021, à Gondrecourt-le-Château, non loin de Bure…
Et, même s’il n’est plus sénateur de la Meuse, nous n’en oublions pas qu’il est toujours en vie, ainsi que tous ses autres mandats encore en cours (Inetum, SEA invest France, SEA invest Afrique, John Cockerill) et sociétés dirigées.
Dans Poubelle atomique – galerie de portraits, le portrait de Gérard Longuet est aux côtés d’autres nucléocrates tels que Rémi Herment, Antoine Allemeersch, Stéphane Martin, Gérard Antoine, Bertrand Pancher, Bérangère Abba, Nicolas Lacroix, Franck Menonville, Christophe Bouillon, Christian Bataille, Christian Namy, Bruno Sido, Jean-Yves Le Déaut, Dominique Voynet, Ségolène Royal, Christian Pierret, Nicolas Hulot, Sébastien Lecornu, Barbara Pompili, Claude Allègre, Valérie Faudon et Jean-Marc Jancovici.
Du beau monde qu’on n’oublie pas non plus !
Bonne lecture ! Et bon débarras, infâme raclure !
Enfouissons Longuet, pas les déchets !
Gérard Longuet
Meuse : député de 1988 à 1993 ; sénateur de 2001 à 2023. Président de l’OPECST de 2017 à 2020. Vice-président de l’OPECST en 2021.
Président du Conseil Régional de Lorraine de 1992 à 2004.
Ministre de l’Industrie de 1993 à 1994.
Alors ministre de l’Industrie, il favorise l’arrivée du laboratoire de recherche géologique à Bure. Une chance, selon lui, pour le département. Ou comment prendre la population en otage d’un miracle industriel et économique sans jamais évoquer risques technologiques et sanitaires… Pro-nucléaire acharné, il fait de l’avancée de Cigéo un de ses dossiers parlementaires favoris.
Il est un des premiers artisans de la nucléarisation forcée du territoire, une mutation que subira une population jamais consultée et scandaleusement maintenue à l’écart des grands choix territoriaux qui pourtant la concerne de près. Selon lui, il y avait un préalable à l’installation du stockage nucléaire : les grands acteurs de la filière (EDF, CEA, Framatome et Orano, ex-Areva) devaient s’installer dans le département apportant des promesses d’activités à des élus locaux ayant un rôle essentiel dans l’acceptabilité sociale du projet. Une stratégie pour inviter l’atome dans ces départements ruraux, conditionner le territoire et faciliter le consentement au projet de stockage nucléaire ? Quitte à faire l’impasse sur ses risques technologiques et environnementaux phénoménaux à court et long terme ? Si une vingtaine d’entreprises sont en effet arrivées en Meuse et en Haute-Marne, liées à la filière nucléaire, elles n’apportent au final que peu d’emplois, trop spécialisés pour le vivier local.
Coup fourré et amendement scélérat
Il se fait remarquer lorsqu’il tente un coup de force pour activer un calendrier trop lent à son sens : il fait adopter le 20 avril 2015 l’amendement 115, dit Cigéo, dans… le projet de loi Macron Croissance, activité et égalité des chances économiques. Un cavalier législatif1 (ou hors-sujet) qu’il tente de justifier par l’idée que Cigéo créerait 2000 emplois directs. Surtout, cela permet de faire l’économie du débat parlementaire sur la réversibilité initialement prévu par la loi de 2006, en écrivant sa propre définition : on n’est jamais mieux servi que par soi-même. La tentative est décriée par de nombreuses ONG, associations et scandalise certains parlementaires. La loi Macron est adoptée le 10 juillet 2015 avec recours à l’article 49-3. Le Conseil Constitutionnel lui donne tort finalement et éjecte l’amendement pour manque de lien même indirect avec le projet de loi, procédure d’adoption contraire à l’article 45 de la Constitution… Il ne baisse pas les bras. Avec le sénateur Christian Namy, ils déposent leur proposition de loi sur la réversibilité et les modalités de création de Cigéo. Pour eux, le temps presse. Elle est adoptée le 25 juillet 2016 par 20 députés. L’opposition à Cigéo et divers parlementaires dénoncent un texte examiné au pas de course, un criant manque d’éléments, un processus bâclé. La loi court-circuite de façon magistrale tout débat démocratique. La création de la phase-pilote ou test grandeur nature qui en résulte est un coup de maître qui permettrait de lancer de lourds travaux préparatoires impactants sur le territoire, sans que Cigéo ne soit autorisé et n’ait fait la preuve de sa faisabilité.
Expression populaire ?
Il a une approche radicale de toute opposition et se plaint. Associations ou expressions privées ont selon lui de plus en plus de poids, d’autorité politique, sociale et médiatique au détriment de l’influence des élus, censés représenter une population leur ayant délégué tout pouvoir. Lors du débat public sur Cigéo de 2013, il annonce : « si la participation au débat, ouverte aux citoyens, est le symbole d’une démocratie vivante, la décision appartiendra aux élus en toute responsabilité ; c’est la logique d’une démocratie représentative : les représentants écoutent mais ils décident seuls » . Conspué lors d’une séance chahutée de ce débat, il ricane, selon la presse locale « Les élus représentent le peuple français (…) Ce projet ira au bout. Dans ce pays, ce n’est pas la loi de la grande gueule qui décide. »
Chère force publique
Son obsession sécuritaire le pousse à adresser une demande au premier ministre Édouard Philippe mi-2017, qu’il cosigne avec Bertrand Pancher, député meusien et Claude Léonard, président du Conseil départemental de la Meuse. Sont évoquées les manifestations importantes qui se multiplient autour de Bure, alors que l’Andra tente de déforester sans autorisation. Ils craignent que le climat de tensions existant ne conduise les habitant.e.s à demander l’abandon du projet. Alors que depuis vingt ans, affirment-ils, il aurait été soutenu par ces populations ayant désigné des élus favorables à ce grand projet. Leur demande expresse : l’implantation d’une unité de gendarmerie à Montiers-sur-Saulx. Dangereuse conception de la délégation de la voix démocratique à des personnes qui une fois élues, se sentent investies d’un pouvoir décisionnel total. Une nouvelle gendarmerie sera construite et un escadron de 80 gendarmes sera installé à grands frais et à demeure sur le site du laboratoire de Bure.
Cigéo, la clé de voûte
Le 27 juin 2019, lors d’une audition de la CNE (Commission nationale d’évaluation) auprès de l’OPECST dont il est alors président, il vante le sous-sol de Bure, adapté et unique selon ses termes. Il évoque la raison du choix de Bure : « (…) la densité de ces territoires étant limitée à une douzaine d’habitants au kilomètre carré, il est plus facile de discuter avec les populations et d’essayer de les convaincre ». C’est bien ce qu’a compris l’opposition dès l’origine. L’État avait besoin d’une région à faible démographie, supposée docile et facilement désertifiable à terme : un facteur autrement plus décisif que la nature de son argile et ses prétendues vertus ?
Début 2022, il voit dans le projet de taxonomie européenne une belle opportunité pour Cigéo. Selon lui le nucléaire doit être classé comme énergie pérenne et non pas transitoire, avec le stockage géologique des déchets au centre des débats : « C’est bien le succès de Cigéo qui contribuera à l’énergie décarbonée jusqu’à la fin du siècle. Et l’Europe et la France doivent soutenir ceux qui rendent ce projet possible, les meusiens et les haut-marnais ». Mais ces derniers ont-ils été avertis du marché phénoménal qui se joue à leur porte : une prétendue acceptation du dangereux dépôt radioactif sans laquelle la filière nucléaire ne pourrait survivre ?
Bonheur collectif et imposé
Il parle une fois de plus et sans complexe en leur nom, lors d’une audition à l’OPECST le 27/10/2022 : « Si nous avons une perspective de continuité du nucléaire c’est bien parce qu’il y a des citoyens qui acceptent d’assumer leur part de responsabilité au service d’une forme d’énergie qui a assuré et assurera encore de l’indépendance, de la décarbonation et par conséquent un bonheur collectif dont je me félicite »… Une bien curieuse conception du bonheur – imposé – au peuple ! Fin 2022, il annonce ne pas vouloir renouveler son mandat de sénateur, mais assure qu’il suivra toujours aussi étroitement un dernier dossier : celui de Cigéo.
Note :
1 Un cavalier législatif est un hors-sujet. Il s’agit d’un article de loi portant sur des mesures qui n’ont rien à voir avec le sujet dont traite le projet ou la proposition de loi. Celui qui l’introduit parie alors sur le fait qu’il passe inaperçu.
03/12/2023