À Bure, le RN parachute un ingénieur nucléaire

Article provenant du site de reporterre.

Dans la 1re circonscription de la Meuse, l’ingénieur Maxime Amblard, inconnu au bataillon, est parvenu à remporter 47,95 % des voix. Son cheval de bataille : une défense forcenée du nucléaire.

Bure (Meuse), reportage

Plus besoin de faire preuve d’expérience politique ou de terrain pour potentiellement entrer à l’Assemblée nationale : il suffit de se glisser sous la bannière Rassemblement national (RN). C’est ainsi qu’un jeune ingénieur nucléaire, inconnu au bataillon, est arrivé en tête dimanche dans la première circonscription de la Meuse.

Maxime Amblard est parvenu à remporter 47,95 % des voix et à se qualifier pour le second tour loin devant le député sortant divers droite Bertrand Pancher (34,22 %), pourtant un historique de l’étape. Il atteint même des scores improbables pour un candidat dont la photo n’apparaissait pas sur l’affiche officielle dans des communes comme Commercy (41,09 %), Ligny-en-Barrois (41,08 %) ou Vaucouleurs (52,56 %)… « On l’a peu vu durant la campagne, confirme son opposant le socialiste Olivier Guckert, éliminé, lui, dès le premier tour, sauf cette semaine au marché de Commercy ».

C’est plutôt finaud de la part du RN de l’avoir parachuté dans la première circonscription de la Meuse. C’est ici qu’a été creusée la grande poubelle nucléaire de France. Depuis 1996, le site de Bure — à cheval entre la Meuse et la Haute-Marne — a été désigné pour accueillir les déchets les plus radioactifs issus du retraitement de nos combustibles usés. L’instruction de la demande d’autorisation et de création (DAC) du Centre industriel de stockage géologique (Cigéo) est d’ailleurs en cours.

Parachutage

Ce parachutage a mis en émoi les opposants au projet. « Il débarque de nulle part, s’offusque Angélique Huguin du Front associatif et syndical contre Cigéo. « En tant que militante contre le projet Cigéo et surtout en tant que militante antifasciste, j’invite à ce qu’aucune voix n’aille à l’extrême droite dans la circonscription de Bar-le-Duc, signale la militante. « Ce n’est pas la gigapoubelle radioactive qui va redonner de l’espoir, de la confiance et de la fierté aux habitants et habitantes du territoire. »

Originaire de Charente, le jeune homme, âgé de 27 ans, a passé sa scolarité en Dordogne pour ensuite rejoindre Grenoble où il a fait ses études à l’Institut polytechnique. Il s’est spécialisé dans la filière physique, électronique et matériaux (Phelma) où le génie nucléaire est largement enseigné. Il vit et travaille à Paris chez Framatome.

Maxime Amblard n’arpente peut-être pas les terres meusiennes depuis longtemps mais il voue une passion non dissimulée pour l’atome civil. Il en parle beaucoup dans son livre Abondance et pénuries (Ed. Perspectives libres, 2022) dans lequel il aborde notre dépendance aux fossiles et le besoin de décarboner notre industrie. Lors de sa promotion, il a fait la tournée des plateaux de Sud Radio, du Figaro ou de Front populaire, le site de Michel Onfray — des médias fortement ancrés à droite ou d’extrême droite.

Trop de renouvelables va « réduire notre niveau de vie »

Il revendique s’appuyer « sur des faits et non des opinions » et conclut face à l’éditorialiste André Bercoff au micro de Sud Radio qu’« un mix 100 % renouvelables se traduira par une réduction des besoins humains satisfaits et cela va réduire notre niveau de vie ». Le jeune homme aux fines lunettes et chemises ajustées est aussi un habitué des plateaux… du Figaro où il sert d’ingénieur de service pour réagir à l’actualité de l’atome. Il y affirme entre autres qu’on « prendrait plus de risques en mangeant une banane » (les bananes sont légèrement radioactives car contenant du potassium) que les Japonais s’ils se baignaient, pêchaient et consommaient les poissons attrapés au large de la centrale de Fukushima. Et commente les auditions parlementaires où il dénonce les positions de Dominique Voynet ou de Lionel Jospin, responsables d’avoir amputé la France de son démonstrateur industriel Superphénix.

La défense du nucléaire s’inscrit parfaitement dans la matrice politique du RN, qui le présente — à tort — comme gage de l’indépendance énergétique de la France. Outre le démantèlement d’éoliennes, le parti prévoit de construire vingt réacteurs nucléaires. Maxime Amblard suggère, lui, de fabriquer d’abord une paire d’EPR dont la « technologie a été éprouvée » et qui entreraient en service dès 2033. Il met de côté les EPR2 « qui ne sont pas encore designés ». Contacté par Reporterre, il n’a pas donné suite à une demande d’entretien à cause « de la brièveté de cette campagne ».

05/07/2024

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