BURE ♥ SIVENS : UNE BALADE POUR RÉMI FRAISSE

En ce bel après-midi d’automne où le sud de la Meuse prenait un faux-air de Languedoc, un petit groupe s’est rendu dans le bois Lejus. Cette forêt que nous avons occupée et habitée il y a quelques années pour la protéger d’un défrichement illégal, nous en avons été expulsé⋅es en février 2018. Dix ans après l’assassinat de Rémi Fraisse à Sivens, nous y sommes donc retourné⋅es et avons hissé une banderole à proximité de l’endroit où une cabane avait été bâtie à plus de vingt-cinq mètres de hauteur. Plus loin, les panneaux présentant crânement le « devenir » de cette forêt de 220 ha vouée à la destruction par l’industrie nucléaire ont également été ramenés à plus de dignité.

Il y a dix ans, certain⋅es d’entre nous avons lutté à Notre-Dame-des-Landes ou bien pataugé dans la boue fertile de la vallée du Tescou. C’est là-bas que Rémi a été tué au moyen d’une grenade offensive en défendant, avec bien d’autres, cet endroit contre l’absurdité agro-industrielle, ses milices et ses machines de mort. La colère que nous avons connu à l’époque nous a porté quelques années plus tard jusqu’à la cime du Grand Chêne, avec joie et détermination.

Depuis, nous avons connu l’âcreté des fumées de poudre noire et l’arbitraire des détonations à bien des occasions, dans les champs et les villages autour de Bure, et puis aujourd’hui à Sainte-Soline ou encore et toujours dans le Tarn au bord du chantier de l’A69. Partout, nous avons trouvé des flics sur notre chemin, avec leurs bombes et leurs fusils lanceurs, leurs matraques et leurs grenades offensives nouvelle génération. Partout, la répression nous a blessé, violenté, effrayé mais elle n’est pas parvenu à éteindre notre envie de lutter.

En ces temps de banalisation du fascisme, il apparaît clairement que notre engagement et celui de Rémi sont toujours d’une brûlante actualité et c’est pourquoi ils s’en trouvent chaque fois réprimés. L’eau douce, hier bien commun et aujourd’hui ressource, est de plus en plus menacée par le changement climatique et convoitée pour faire du béton, créer des galeries de stockage de déchets nucléaires ou enrichir les grands exploitants agricoles, ceux-là même qui dans le Tarn forment des milices fasse aux militant⋅es de Sivens ou du chantier de l’A69. En Meuse, c’est l’Andra (l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs) qui joue la mafia en convoitant les eaux de la Marne ou de l’Ornain et en expropriant les terres pour son grand trafic de forêts et de champs.

Cette balade forestière est pour nous une manière de nous souvenir, de commémorer mais surtout de réaffirmer que les cabanes s’érigeront toujours en haut des arbres. Nous voulons le dire d’autant plus fort qu’ici rien n’est encore joué, que nous n’en sommes qu’aux prémisses de ce chantier censé durer 130 ans minimum. Le projet Cigéo n’est toujours pas officialisé. Les arbres du bois Lejus* sont toujours aussi majestueux, robustes et accueillants et, à l’ombre de leurs feuillages, sous l’œil vigilant des hiboux, nous continuerons de perpétuer la solidarité entre les luttes.

L’eau nous abreuve, les luttes d’hier nous nourrissent
et nos pierres siffleront toujours : NI OUBLI, NI PARDON.

 

 

 

* Autant que nous sachions, il est toujours interdit de pénétrer sans autorisation dans le bois Lejus, ancienne forêt communale de Mandres-en-Barrois, désormais propriété de l’Andra. Et les contrevenant⋅es se trouvent toujours sous le coup d’une amende de 500 euros par heure de présence dans ladite forêt.

28/10/2024

Bois Lejuc
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rémi fraisse
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