Communiqué du Cedra, 25/04 – Soulaines ou l’industrie nucléaire asphyxiée par ses déchets

Trouvé à l’origine sur le site du CEDRA publié le 25 avril

 

Alors que le Président et son Gouvernement ne cessent de faire l’apologie du nucléaire et prêchent pour son (re)développement, les poubelles atomiques de l’Aube, autour de Soulaines Dhuys, à environ 200 kilomètres en amont de l’Île de France, craquent sous les déchets.

Le complexe des déchetteries nucléaires de Soulaines

L’histoire des poubelles nucléaires de l’Aube commence en janvier 1992 avec la mise en service du CSA (Centre de Stockage de l’Aube), au mépris de l’avis de la population qui s’était  exprimé dans une consultation citoyenne à 80% en sa défaveur. Remplaçant le CSM (Centre de Stockage de la Manche), il est dédié aux déchets FA et MA-VC (faiblement et moyennement radioactifs à vie courte – 300 ans tout de même) ! Ce centre n’est rien de moins que le plus grand stockage de déchets radioactifs en surface du monde, classé Installation nucléaire de Base (INB). En 2003, un second centre de stockage le rejoint dans l’Aube, cette fois sur les communes de Morvilliers et de La Chaise. Construit à proximité du CSA, le Centre industriel de regroupement, d’entreposage et de stockage (Cires) est dédié aux déchets de très faible activité (TFA), classé Installation classée pour l’environnement (ICPE).

La semaine dernière, nous avons appris le dépôt par l’Andra d’une demande d’autorisation de création pour étendre la capacité de stockage du Cires de 650 000 m3 à 950 000 m3, projet intitulé Acaci, la saturation le guettant. D’autres augmentations sont à prévoir, l’inventaire des déchets TFA produits et à produire jusqu’à la fin du démantèlement des installations nucléaires actuelles faisant ressortir un besoin de stockage de 2 100 000 à 2 300 000 m3… Et qu’en serait-il si de nouveaux réacteurs étaient construits ? D’autant que ce n’est que la face immergée d’un monstrueux iceberg…

Le doigt dans l’engrenage : vers une mono-industrie nucléaire ?

Les stockages dans le Soulainois servent de justification (ou plutôt de facilité) à l’implantation d’autres entreposages ou stockages de déchets nucléaires d’autres catégories :

– Les déchets de type FAVL s’accumulent et l’Andra espère trouver un bon accueil à Soulaines après l’échec de son implantation dans les Vosges il y a une bonne dizaine d’années.

– Ce n’est pas un hasard si le CSA et le Cires ne sont qu’à une cinquantaine de kilomètres de Bure et du projet Cigéo. Les facteurs sont connus. La démographie de la Meuse comme de l’Aube et de la Haute-Marne est faible. La responsabilité de l’Etat et des élus locaux est très forte dans la mutation progressive du territoire : les responsables ont profité d’une population vieillissante, plus vulnérable 5ce qui peut s’apparenter à un abus de faiblesse). La concertation préalable de l’Acaci, menée par des garants de la CNDP, fait elle-même état d’une population difficile à atteindre. Ces départements ont une identité territoriale similaire, leurs visages se ressemblent. Peu de paysan-nes vivent dans ces grandes plaines céréalières alors que ces derniers jouent souvent un rôle moteur dans la défense des territoires ruraux. Quelques arrosages financiers font le reste pour draper la contestation d’un voile de résignation.

Du côté de Cigéo, l’Andra a déjà affirmé la possibilité d’étendre le stockage géologique aux déchets du nouveau nucléaire, alors que la faisabilité du projet en l’état n’est pas démontrée. Stockages extensibles, nouveaux sites, mais aussi bien d’autres activités nucléaires pour gérer l’impensé de la filière : le risque d’abandonner notre territoire à l’industrie nucléaire était déjà réel, mais s’accroit avec la relance forcée de l’atome et des besoins plus ou moins futurs de démantèlement…

Il faut sauver notre territoire et sa ruralité

L’industrie nucléaire ne le voit pas comme un lieu vivant, mais comme un exutoire pour ses déchets. Nos terres agricoles ne sont pour elle que des surfaces à coloniser. Le CSA et le CIRES grignotent presque 150 hectares de terres au beau milieu de la forêt, aux portes du Lac du Der, non loin de celui de la forêt d’Orient. Et les méthodes habituelles pour coloniser les esprits en plus des terres (manne financière, fiscalité avantageuse..), ne sont que des cache-misère : fin 2022, nous apprenions que le Soulainois était définitivement exclu du périmètre d’étude du futur Parc naturel régional de la forêts d’Orient (PNRFO), la commission permanente de la Région Grand-Est ayant suivi l’avis de la préfecture de ne pas y intégrer les communes concernées par les centres de stockage de l’Andra. Leur présence ternirait-elle l’image de ce qui est souvent qualifié de « projet d’avenir ? »

L’accaparement des terres pour les besoins du nucléaire ne va pas s’arrêter là, à constater les projets qui sont menés de front. Lors de la concertation à propos de l’extension du Cires, le peu de population qui s’est exprimée a souligné cette emprise sur les terres agricoles, sachant que l’Andra dispose (aussi) de réserves foncières localement. L’aspect sanitaire et environnemental est une source d’inquiétude, d’autant que le flou demeure depuis des années sur les impacts réels de ces activités : s’il existe une suspicion de pollution radioactive des points de captages d’eau potable, la complexité du réseau hydrographique ne permet pas d’incriminer les effets des centres de manière certaine. Si une enquête sanitaire diligentée par Santé Publique France présentée en 2018 avait mis en évidence une surmortalité masculine de 28% par cancer du poumon dans un rayon de 15 kilomètres autour des centres de l’Andra entre 1998 et 2007, il ne peut non plus être prouvé que ce surplus soit directement imputable aux activités de l’Andra…

Mais de l’implantation des stockages contre l’avis de la population au vol des terres agricoles et forestières, en passant par les effets cumulatoires des faibles doses de radioactivité sur la santé à l’eau du robinet suspectée d’être radioactive … ça suffit non ? Si la fatalité flotte dans l’air de nos villages, le ras le bol se fait sentir même si la population se montre assez réservée. Apprendre à vivre avec des déchets nucléaires près de chez soi, parce que l’on ne nous a pas laissé le choix, ne signifie pas que l’on acceptera le projet de trop. Le bilan de la concertation fait aussi remonter que le développement nucléaire est perçu comme excessif. A la manière des habitant-es du territoire autour de la Hague s’élevant contre le projet d’une piscine centralisée de combustibles usés, nous avons besoin d’un sursaut de dignité !

27/04/2023

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