Article aussi publié le 13 décembre sur manif-est.info.
Figurez-vous que nous sommes passés tout près d’un événement historique. Ce 12 décembre, l’Assemblée Nationale aurait pu voter un texte dont Dominique Potier, l’improbable député socialiste de Toul, a estimé à la tribune qu’il rejoindrait « les grands textes qui ont fondé notre civilisation, au même rang que l’abolition de l’esclavage et de la peine de mort ». Malheureusement, on dirait bien que la France a une nouvelle fois raté le coche de sa mission civilisatrice, la majorité présidentielle ayant lâchement rejeté cette proposition de loi instaurant le crime d’écocide.
Le texte, apprend-on dans la presse, prétendait s’attaquer à l’« une des grandes causes du XXIe siècle ». Comprenez : l’ambition était d’être, enfin, à la hauteur des enjeux de l’époque ! Ainsi, l’écocide y était défini comme « toute action concertée et délibérée tendant à causer directement des dommages étendus, irréversibles et irréparables à un écosystème, commise en connaissance des conséquences ». Et puisqu’il s’agissait là d’instaurer un nouveau crime, celui-ci se voyait assorti de peines allant « jusqu’à vingt ans de réclusion criminelle » et 10 millions d’euros d’amende. »
Vingt ans de prison ferme ! Pour destruction volontaire de l’environnement ? On comprend que ce texte n’ait pas été retenu. Un truc comme ça, c’est un coup à vous tuer une économie en pleine relance ! Prudente, la Garde des sceaux « a pointé un manque de précision dans la définition du crime » et « des notions trop floues ». C’est vrai qu’à y regarder de plus près, on n’aurait plus rien pu faire. Déjà qu’ils ont abandonné l’aéroport du Grand Ouest et Europa City, il faudrait pas non plus interdire complètement la bétonisation des terres. Vous en connaissez beaucoup vous des projets industriels qui sont autre chose que des actions concertées et délibérées tendant à causer directement des dommages étendus, irréversibles et irréparables à l’écosystème où ils s’implantent ? Et ce, évidemment, en toute connaissance de cause ?
Forcément, en lisant ça, on se dit que le moindre supermarché aurait eu du mal à faire couler sa dalle sur des terres arables… Mais alors, pour ce qui est du nucléaire, c’était fichu fichu ! Fini, les six nouveaux réacteurs. Fini, les EPR à foison. Fini, les piscines de stockage à débordements et les centres d’enfouissement en forme de passoires ! C’est alors qu’on a regardé de plus près le nom du rapporteur de ce projet de loi éminemment progressiste et qu’on a eu un léger doute. Bouillon ? Bouillon ? C’est quand même pas le même Bouillon que le Bouillon de 2016, c’est forcément un autre… ? Ah, non, c’est le même ! Christophe Bouillon, député socialiste de Seine-Maritime, celui-là même qui avait porté sur ses petites épaules en 2016 la proposition de loi fixant un cadre légal pour Cigéo. Souvenez-vous, à l’époque on avait trouvé ça un peu osé parce que ce bon vieux Bouillon, en plus d’être député, il présidait le Conseil d’administration de l’Andra. Et qu’il avait un peu fait le forcing pour que sa loi soit discutée dans l’hémicycle un lendemain de victoire à la Coupe de monde de football, quand personne ne regarde. C’était malin, c’était passé complètement inaperçu. Même Ségolène Royal, la ministre de l’environnement, avait oublié de venir.
Alors Christophe, on est obligé de se demander : qu’est-ce qu’il t’arrive ? C’est le vent qui a tourné ou c’est pour prouver que la réversibilité – fantaisie conceptuelle inscrite dans ta loi de 2016 – comme toute bonne chose, s’applique d’abord à soi-même ? T’as des remords, Christophe ? Ça te hante cette histoire de Cigéo ou bien c’est tes gosses qui trouvent ça moche que leur nom de famille soit éternellement attaché à cette saloperie ? Tu voulais te reverdir le blason à la mode « Champion-de-la-Terre » ? On dirait que t’y serais aller un peu trop fort. Vingt ans de taule, dix millions d’amende. C’est pas un choc post-traumatique ce que t’as Christophe, c’est quasiment un syndrome de Stockholm. Et maintenant tu clames partout qu’« il faut continuer le combat » ? Mais tu veux quoi exactement ? Qu’on t’invite à la Maison de Résistance et qu’on aille faire des chaînes humaines à la prochaine marche pour le Climat ? T’es vraiment un champion, Christophe. C’est ça qui est bien avec les gars comme vous, vous êtes jamais décevants. Vous osez vraiment tout.