[film] « Une omerta totale » : un documentaire sur les mystères du Polygone, un site d’expérimentation nucléaire

Article publié à l’origine sur france3-regions.

Film disponible ici.

Le Polygone, installé en 1958 sur un champ de bataille de la guerre 1914-1918, servait jusqu’en 2013 de zone de test pour essayer les détonateurs de la bombe atomique. Ce centre d’expérimentation pour l’Armée, situé à Moronvilliers, a été entretenu et surveillé par les habitants des communes alentour. La population a servi à la dissuasion nucléaire. Mais elle ne parlait jamais de ce secret d’Etat. En 2022, le maire de la ville a déposé plainte contre le Commissariat à l’énergie atomique (CEA) et l’Etat, devant le tribunal administratif, pour la pollution radioactive créée (notamment de l’uranium).

« J’étais étonné du silence »

Cédric Picaud, réalisateur et ancien journaliste à France 3 Champagne-Ardenne, a décidé, il y a trois ans de s’emparer du sujet : « Quand j’étais journaliste à Reims, au début des années 2000, j’ai eu l’occasion de faire des reportages sur le site d’expérimentation », explique-t-il. « Mais l’ambiance était très étrange, il y avait très peu d’informations sur ce qu’il se passait, j’étais vraiment étonné du silence qui régnait dans le village ». Même s’il a ensuite quitté la région, cette histoire était bien ancrée dans sa tête, « un petit goût d’inachevé », dit-il. Il avait même gardé un contact, un fameux Damien Girard, qui est devenu par la suite maire de la commune de Pontfaverger-Moronvilliers.

« De nombreux journalistes, dont moi, ont fait l’erreur de vouloir savoir ce qu’il se passait dans cette zone, mais le plus intéressant n’était pas là, mais plutôt dans la manière dont cela s’est imposé au village », confie Cédric Picaud. « Cette manière dont coexistaient une France très élitiste et un village rural lambda ». Il a donc pris la décision de faire un format long sur l’histoire de ces habitants taiseux.

 

 

Une histoire volée

Recueillir des témoignages de ces personnes n’était pas chose facile pour le réalisateur : « Dans les années 2000 quand j’étais journaliste, c’était impossible d’obtenir quoi que ce soit, pour mon documentaire, j’ai essuyé pas mal de refus mais cela faisait dix ans que le site était fermé donc la parole était plus libre ». Une période de prescription était alors passée, le phénomène d’emprise était moins puissant. « C’était le bon moment et la bonne configuration pour recueillir leur parole et raconter leur histoire. Une confiance s’est instaurée. J’ai pu obtenir des témoignages de cinq ou six personnes, certains étaient anonymes », raconte Cédric Picaud. « Les explosions étaient tellement violentes, qu’à six kilomètres, ils pouvaient casser les carreaux. Personne dans le village parlait du CEA, une omerta totale », déclare un des habitants dans le documentaire.

L’enjeu du projet était pour lui de « libérer cette parole », que les villageois se « réapproprient leur histoire qui a été volée et mise entre parenthèses pendant 60 ans ». Terrain de bataille lors de la Première guerre mondiale, le champ utilisé pour la zone d’essai aurait « pu être une fierté pour eux, mais ça a été volé ». « Il y avait beaucoup de pièces de puzzles, des petites bribes, mon objectif était de les rassembler et de reconstituer l’histoire de cette ville », confie le réalisateur. Cédric Picaud a pu faire exploiter des archives de France 3 Champagne-Ardenne de ces dernières années : « Je suis heureux de voir qu’il y a plein de gens qui ont continué de travailler sur ce sujet et de l’avoir bien traité ».

Concernant la plainte déposée par le maire Damien Girard, en 2022, un appel est examiné, la date n’est pas encore connue mais l’affaire est donc toujours en cours.

20/11/2024

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