Orano va raser une forêt protégée pour exploiter une mine d’uranium au Kazakhstan

Publié à l’origine le 23 août 2019 sur le site de novastan

 

La visite de Bruno Le Maire au Kazakhstan fin juillet a permis de débloquer la mise en exploitation d’un gisement d’uranium par la multinationale française de l’uranium, Orano, qui recouvre une zone boisée protégée de 366 hectares. Le ministre des Finances français se serait rendu à Nur-Sultan principalement pour débloquer l’autorisation de couper cette forêt de saxaoul et démarrer l’exploitation de cet uranium stratégique pour la France.

On en apprend plus sur les raisons de la visite de Bruno Le Maire au Kazakhstan en juillet dernier. Selon le service de presse d’Orano (ex-Areva) contacté par Novastan, la visite du ministre français des Finances à Nur-Sultan le 30 juillet dernier a servi à conforter l’avenir de l’approvisionnement d’uranium pour les réacteurs nucléaires français depuis le Kazakhstan. De fait, les autorités kazakhes ont publié le 31 juillet dernier un décret autorisant l’extraction sur une nouvelle zone de la licence minière d’Orano.

Lire à ce sujet : Bruno Le Maire en visite diplomatique au Kazakhstan

Pour exploiter ce gisement, le géant français du nucléaire doit couper une forêt de 366 hectares de saxaoul, une plante endémique menacée et qui fait l’objet d’une interdiction de coupe au Kazakhstan. La visite du ministre français a permis d’obtenir, moyennant compensation, l’autorisation de « nettoyage » de la forêt. Selon les sources au gouvernement français du Figaro, la visite de Bruno Le Maire a permis de faire signer et publier ce décret en réglant des « tracasseries administratives ».

Ce décret, qui permet in fine l’approvisionnement en uranium de la France tout en assurant la santé économique d’Orano dans les décennies à venir, semble avoir été la motivation première de la visite du ministre français. Peu importe qu’il faille pour cela couper une forêt d’une plante en danger.

Un gisement à la place d’une forêt protégée

Cette opposition entre plante protégée et exploitation d’uranium est à l’origine de ces « tracasseries administratives ». De fait, le gisement qu’Orano a souhaité mettre en production est situé sur une « zone forestière », qui était sous la protection de l’entreprise publique régionale en charge des forêts du district de Suzak, dans le sud du Kazakhstan. Alors que le service de presse d’Orano a mentionné un « permis foncier » à Novastan, le décret du gouvernement kazakh signé et publié le 31 juillet dernier porte sur le « déclassement de parcelles du fond forestier (…) pour l’extraction d’uranium ».

Les quelques 366 hectares de forêts qui vont être « nettoyés » sont situés sur la parcelle de Mouyounkoum (Muyunkum), situé dans le désert éponyme du sud du Kazakhstan. Une région boisée d’un arbre en disparition dans le pays. La parcelle est exploitée par Orano à travers une co-entreprise avec l’entreprise nationale kazakhe Kazatomprom, KATCO. Orano en possède 51% contre 49% pour Kazatomprom.

Dans les faits, la multinationale française avait déjà obtenu le droit d’exploiter ce gisement par un décret daté d’octobre 2018, mais celui-ci précisait la nécessité de conserver la forêt de saxaoul, empêchant la mise en exploitation.

Comme l’a précisé Orano à Novastan, bien que la méthode d’extraction de lixiviation in situ utilisée sur ce site ne nécessite pas de créer une mine à ciel ouvert, « il est nécessaire d’entreprendre des travaux de nivellement qui impliquent de couper les saxaouls ». La technique d’extraction par lixiviation in situ est controversée notamment aux Etats-Unis, polluant les nappes phréatiques et délaissant de nombreuses boues toxiques difficilement nettoyables. De son côté, Orano a affirmé à Novastan que cette technique « présente des avantages environnementaux par rapport aux méthodes traditionnelles ». Selon le site web d’Orano, cette technique est surtout très « économique« .

Orano a également confirmé à Novastan que le décret prévoit le versement d’une compensation financière à la destruction de la zone forestière, et qu’Orano s’était engagé à la revégétalisation à la fin des opérations en replantant les saxaouls. Orano n’a pas précisé le montant réglé. Les administrations kazakhes en charge des forêts n’ont pas répondu à nos sollicitations.

Le saxaoul : le seul arbre du désert

Depuis 2015, il est interdit de couper des saxaouls au Kazakhstan. « Le saxaoul est le seul arbre qui pousse dans les déserts kazakhs et qui ne demande pas des apport en eau et en nutriments spécifiques », a affirmé le chef des gardes-forestiers de la région kazakhe de Kyzylorda, Rau Aralbaïev, cité par le journal kazakh Kursiv.kz. « Le couper, c’est endommager l’environnement de notre région » poursuit-il, expliquant que sa disparition actuelle est due « à la demande forte pour l’utiliser comme bois de chauffage, ou de cuisine ». Les forêts de saxaouls sont également menacées par les nombreux feux dans la steppe dus aux températures élevées et à la sécheresse durant l’été, mais surtout à l’activité humaine.

Le saxaoul est un arbre qui fait entre deux et neuf mètres de haut. Extrêmement résistant au chaud comme au froid, il peut également, grâce à ses racines qui peuvent atteindre jusqu’à 30 mètres de profondeur, capter des eaux des nappes phréatiques. Dans le même temps, le saxaoul fixe les dunes de sable, évitant érosion et surtout tempêtes de sable, deux problèmes de plus en plus pressants dans cette partie désertique d’Asie centrale.

Mise en exploitation du site de Kanjugan

Peu importe l’importance de la conservation du saxaoul, l’exploitation d’uranium est prioritaire. Ce « permis foncier », comme l’appelle le service de communication d’Orano, ou plutôt cette autorisation de coupe d’une forêt protégée, permet la mise en exploitation du gisement de Kanjugan, au sein de la licence minière de Muyunkum.

Selon Orano, ce permis va permettre au groupe nucléaire d’assurer une « part significative » de sa production d’uranium pour les prochaines années, en attendant la mise en exploitation d’un troisième site. De fait, selon la revue générale nucléaire, l’entreprise française extrait déjà près de la moitié de sa production mondiale au Kazakhstan, soit « entre 3 200 et 4 000 tonnes d’uranium par an ».

Encore un gisement à mettre en exploitation

Ce permis obtenu, il reste encore un gisement à Orano à mettre en exploitation au Kazakhstan. Ce troisième site minier, South Tortkuduk, sera le plus important pour la multinationale française dans le pays. Une licence d’exploitation minière pour cette nouvelle parcelle a été attribuée à KATCO en janvier 2018 selon le site d’Orano.

Lire à ce sujet : Le Kazakhstan attend une visite d’Emmanuel Macron

Selon Orano, les géologues de KATCO ont découvert cette parcelle à haut potentiel en termes de ressources il y a quelques années, à proximité de deux sites miniers déjà exploités par l’entreprise. Ces nouvelles réserves devraient couvrir plus de 10 ans de production pour KATCO. Le développement du gisement est en cours et un lancement de l’exploitation et de la mise en service du site devrait être finalisé d’ici 2020 et représenter la majeure partie de la production de KATCO en 2022.

Pour faire avancer et inaugurer la mine, le président français pourrait se rendre au Kazakhstan. Le président kazakh Kassym-Jomart Tokaïev a déjà annoncé qu’il l’attendait. Le Kazakhstan est en effet devenu un passage obligé pour les présidents français, tant le pays est devenu stratégique pour l’Hexagone.

L’uranium kazakh : une nécessité stratégique pour la France

Alors que la production d’uranium kazakh devenait prépondérante pour Orano, le Kazakhstan est devenu depuis 2008 incontournable pour la France puisque le pays est devenu le premier fournisseur d’uranium de l’hexagone. Le fait que le ministre des Finances doive se déplacer à Nur-Sultan pour régler des « tracasseries administratives » souligne l’importance stratégique du Kazakhstan et de son uranium pour la France.

De fait, le Kazakhstan est le premier fournisseur d’uranium de la France, qui dépend à plus de 70% de ce combustible pour produire son électricité. Les gisements qu’y exploite Orano sont parmi les plus rentables du groupe français, comme l’entreprise l’annonce sur son site : « Katco exploite la plus grande mine d’uranium ISR au monde. [Elle] représente 15% de la production d’uranium annuelle du Kazakhstan et 7% de la production mondiale. » Le tout pour une seule co-entreprise.

Le Kazakhstan est depuis 2009 le premier producteur du monde avec 41% de la production mondiale en 2018, dont 22% pour Kazatomprom, juste devant Orano (11%), seconde entreprise productrice mondiale. Kazatomprom, détenue à 85% par l’Etat kazakh, prend en charge l’intégralité de cette production, en plus de toutes les activités liées au nucléaire. Kazatomprom est entrée en Bourse (à Astana et Londres) en novembre 2018 en vendant près de 15% de son capital, et se préparerait à vendre bientôt plus d’actions sur les marchés.

La rédaction

03/12/2019

anti-colonialisme
extractivisme
Orano

    Et sinon, 106 jours avant
    on écrivait ça
    sur le même sujet.

    L’antiracisme débarque dans la cuisine de...

    Ces derniers temps à Bure (comme dans de trop nombreux autres espaces et groupe de « lutte » fréquenté par les blanc.hes) , l’entre-soi blanc autodéterminé « anti-raciste » à été remis en question ...   Lire la suite

    Et sinon, 10 jours après
    on écrivait ça
    sur le même sujet.

    La colère dans le vent

    Le 8 décembre à Darnieulles était organisé une projection du documentaire « La colère dans le vent » d’Amina Weira. Sans jamais nous montrer d’image de la mine d’uranium d’A...   Lire la suite