Retour sur la nucléarisation et la militarisation des Utopiales 2019

Texte publié à l’origine sur le site lavolte.net

Nous nous proposons ici de revenir sur le thread que nous avons partagé en plein festival des Utopiales, le vendredi 1er novembre dernier.

Nous nous étions alarmé.e.s à la fin du mois d’octobre au sein des éditions La Volte en découvrant la grille de programmation du festival.

Motifs : la présence du Ministère des Armées en la personne d’Emmanuel Chiva, Directeur de l’agence d’innovation de défense (invité par le festival), et l’accueil d’un concours d’écriture co-organisé par l’ANDRA et le magazine Usbek et Rica.

 

En creusant un tantinet ces deux points, nous avons alors mis à jour les éléments suivants :

Le Ministère des armées est invité depuis 2017 au festival. C’est aux Utopiales qu’est née et qu’a été testée l’idée de la future “red team”. Calquée sur le modèle US et censée réunir des auteur.e.s de SF pour “préparer les technologies et innovations qui seront nécessaires à nos futurs systèmes d’armement, la création de cette fameuse équipe a été annoncée cet été à grand bruit dans la presse.

Les Utopiales comme terrain d’expérimentation et source d’inspiration pour l’armée : c’est un point dont le principal intéressé, Emmanuel Chiva, ne s’est jamais caché, n’hésitant pas à en faire étalage dans divers médias ainsi qu’auprès du Sénat.

Concernant l’ANDRA, nous savions déjà l’extraordinaire campagne de communication mise en place par l’agence en faveur de l’enfouissement des déchets radioactifs. Une campagne à base de publi-rédactionnels et de médias rémunérés, dont le magazine Usbek et Rica qui créa spécialement pour l’ANDRA en 2015 le média Les arpenteurs. Objectif : banaliser l’industrie du nucléaire et sa production de déchets radioactifs auprès des “générations futures” mais également des populations locales, comme on peut le lire à travers ce témoignage publié récemment sur le site de Mediapart.

Le nucléaire est un sujet complexe : l’aborder avec un point de vue unilatéral, qui plus est dans le cadre d’un festival grand public, laisse le champ libre à une dangereuse démagogie.

Par ailleurs, le choix graphique de l’affiche promouvant le concours d’écriture n’a pas manqué de nous laisser songeur.se.s – un personnage (un homme ?) visant un autre personnage (une femme ?) avec ce qui s’apparente à une arme – et nous ne fûmes pas les seul.e.s…

 

Nous nous permettons d’alerter le festival sur le parti pris de sa politique d’invitation.

Si le Ministère des armées est invité à recruter sa red team d’auteur.e.s en plein festival, pourquoi ne pas convier également Amnesty International ?

Si l’on invite l’ANDRA à faire campagne auprès du public des Utopiales, pourquoi ne pas solliciter dans le même temps GreenPeace ou le réseau Sortir du Nucléaire ?

Mais ce que nous soulignons par-dessus tout, c’est cette tentative de détournement massive de la littérature de science-fiction qui a éclaté au grand jour avec l’article paru sur le site de France Culture le 31 octobre, premier jour des Utopiales.

Pour reprendre les propos d’Alain Damasio, qui était invité à intervenir à la table ronde “Secret Défense” le vendredi 1er novembre : est-ce là le rôle d’auteur.e.s de science-fiction que de se faire les promoteurs d’un “genre utile”, au service d’un état de guerre permanent, tel que l’a décrit Emmanuel Chiva sur scène ?

À utiliser la science-fiction dans un but militaire, cet imaginaire de la guerre risque fatalement d’impacter notre vision du monde. La guerre est-elle un horizon souhaitable et désirable ?

D’autres champs sont à investir par les auteur.e.s de SF  : qu’il s’agisse de l’accès aux soins et de la santé, de l’éducation, des migrations, du lien au vivant ou encore du travail.

Retrouver l’intégralité de la table-ronde “Secret Défense” (intervention d’Alain Damasio à partir de la minute 35) à retrouver sur l’article d’origine.

Par ailleurs, comme le précise Alain Damasio dans son interview à Nantes Online : “On ne sait jamais comment nos idées seront appliquées”. Or rappelons que la France est le troisième exportateur mondial d’armement (+30% de ventes en 2018) et livre pour près de 50 % à des pays qui bafouent les droits de l’homme, comme l’Égypte ou l’Arabie Saoudite. Un marché très rentable et à peu près opaque, qui ne fait l’objet à ce jour d’aucun débat public.

Monsieur Emmanuel Chiva prétendait, lors de son intervention, être présent au festival des Utopiales afin d’ouvrir l’univers de l’armée au grand public. Cela signifie-t-il que nous obtiendrons bientôt en France une totale transparence sur la réalité des ventes d’armes, transparence indispensable dans une démocratie ?

Nous espérons fortement que des auteur.e.s qui oseraient rejoindre cette “red team” poseront cet enjeu au cœur de leurs récits…

Ami.e.s de l’utopie, bonjour.

25/11/2019

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