Routes D60 et D960 : mascarade, miettes et décibels

 

Le 31 janvier s’est déroulé à 18h, à la salle des fêtes d’Echenay (Haute-Marne, à 9 km de Bure), une réunion publique concernant le projet de contournement de la future zone descenderie de CIGEO. Autour de la salle, de nombreuses voitures, dont la fameuse jeep des vigiles de l’ANDRA, ainsi qu’une vingtaine de gendarmes mobiles dissimulés derrière le bâtiment. À l’intérieur, une bonne cinquantaine de personnes s’étaient réunies : élu·es du Département de la Haute-Marne et de la commune d’Echenay, représentant·es de l’ANDRA, télévision locale (Puissance Télévision), et habitant·es des environs.

Il s’agissait alors de discuter des trois propositions de déviation des routes D60 et D960 pour permettre la réalisation de CIGEO. L’objectif de cette concertation ? Recueillir l’avis du public sur les trois options de tracé étudié par le Département de la Haute-Marne, désigné maître d’ouvrage de l’opération1.

Faisant office de « concertation préalable », cette réunion (la première d’une série de 3) était organisée par le Conseil Départemental de la Haute-Marne (CD52), représenté par Anne-Marie Nédélec (Vice-Présidente « aménagement et développement des territoires »), qui présidait la concertation publique. Étaient également présent·es, deux « garant·es », désigné·es par la CNDP2 (Commission Nationale du Débat Public), entité supposément indépendante censée garantir le bon déroulé de la concertation.

Si, dans le préambule du dossier de concertation (qu’on est invité·e à prendre au début de la réunion) Nicolas Lacroix, président du CD52, n’a de cesse de souligner le caractère « volontaire » de cette concertation publique, c’est pour faire oublier, celui totalement anti-démocratique du projet CIGEO, imposé depuis des décennies aux habitantEs. Appuyer sur le caractère volontaire sonne aussi comme une menace latente, cela sous-entend qu’on pourrait s’en passer, que l’avis des habitantes n’est pas nécessaire et que dans le fond ils s’en fichent bien. Dans ce même préambule, sont loués de bout en bout les « opportunités » qu’apporteraient le projet CIGEO et ses projets connexes. Qu’en est-il de la CNDP et de sa prétendue « neutralité » ? C’est la politique du fait accompli alors que CIGEO n’est pas encore déclaré d’utilité publique. Cette pseudo concertation à propos des routes apparaît ainsi comme une nouvelle étape de matraquage vis-à-vis des populations : fabriquer la résignation face au projet CIGEO, qui semble déjà acté et dont on doit discuter et se disputer les miettes.

La réunion publique a finalement démarré à 18h12. En guise d’introduction, la maîtresse de cérémonie a plusieurs fois affirmé être au fait du contexte « sensible » de cette concertation (sans pour autant entrer dans les détails). De même, elle n’a pas manqué de rappeler qu’il s’agissait là d’une concertation « volontaire », insistant, comme son homologue, sur le fait que le Département n’était pas obligé de faire cette concertation, mais que celle-ci leur semblait « utile ».

Assez vite, et en réaction aux déclarations sur l’importance démocratique de ce débat, retentirent de forts applaudissements qui, quelques peu longuissimes, soulignaient le foutage de gueule. Puis, il a été rappelé depuis l’auditoire que le nucléaire n’a jamais été démocratique, que les concertations publiques passées dans le cadre de CIGEO n’étaient qu’une fumisterie qui ne prenait jamais en compte l’avis des populations, tel qu’il en a toujours été dans l’histoire du nucléaire. Quelqu’un·e nota également l’absence de la quatrième proposition à débattre : l’abandon du projet CIGEO.

En parallèle de ces applaudissements, le caractère futile et absurde de cette concertation a été répondu par une partie de « chat » par quelques opposant·es, entre les chaises de l’assemblée ; tandis qu’une ombre de lapin interagissait sur le power point de l’écran.

À un moment, quatre gendarmes ont pointé le bout de leur casque, depuis les coulisses de la salle des fêtes. Comme d’habitude, on remarque que sous couvert de fausse démocratie, les passages en force de l’ANDRA ne passent que par le biais de la force publique. La flicaille est rapidement repartie dehors, ayant probablement eu pour consigne de ne pas être trop visible.

De nouveau, le caractère anti-démocratique de l’ANDRA et du nucléaire fut décrié depuis le public. Une personne s’est quant à elle exprimée en criant que « la démocratie s’est arrêtée en 2017 avec l’élection de l’autre con ! ». Puis, a résonné plusieurs fois le slogan « ANDRA dégage : résistance et sabotage », tandis que les applaudissements faisaient péter le décibelmètre de la salle.

Après avoir regretté que les « conditions » du débat public ne soient pas remplies, la maîtresse de cérémonie a finalement interrompu la mascarade fantoche, au bout d’une demi-heure. S’en sont suivis quelques échanges en informel dans le public, jusqu’à ce que les organisateurices somment les participant·es de quitter la salle.

Dehors, une vingtaine de gendarmes mobiles, gage de la démocratie nucléaire, accompagnaient la sortie des personnes concertées, sans expression aucune, ni interpellation non plus.

CIGEO en est aujourd’hui à une étape administrative cruciale de son avancement. En fait la DUP (Déclaration d’Utilité Publique)3, dont l’enquête publique s’est déroulée cet automne, permettrait la concrétisation des projets connexes de CIGEO (déviation de routes, expropriations, construction du transformateur électrique, défrichement d’une partie du bois Lejuc, construction de la voie ferrée,..). Alors que les résultats de la DUP ne sont pas encore rendus publics, cette concertation concernant la déviation des routes D60 et D960 illustrebien la politique du fait accompli, par le Département de la Haute-Marne, complice de l’ANDRA dans la mise en place de CIGEO. Pour les nucléocrates et leurs allié·es, il n’est pas nécessaire d’attendre toutes les autorisations concernant CIGEO pour commencer les travaux connexes : la preuve, l’abandon du projet n’est même pas une option dans le cadre de ce projet de déviation de routes.

 

Les prochaines rencontres publiques seront :

– une visite de terrain et atelier, le samedi 26 février à 14h00 (Bure, salle des fêtes)

– une réunion publique de clôture, le vendredi 11 mars à 18h00 (Bure, salle des fêtes)

 

Notes :

1Dans le cadre d’une convention signée le 5 octobre 2018 entre le Département de la Haute-Marne, le Département de la Meuse et l’ANDRA.

2« La CNDP est une autorité neutre qui ne se prononce pas sur l’opportunité des projets ou des politiques concernés. Notre autorité n’a pas pour rôle de « faire accepter » ou de faire abandonner  les projets. […] Elle intervient dès l’origine, à un moment où il est encore possible d’y renoncer, de le modifier, où l’on peut interroger le “pourquoi ?” et pas seulement le “comment ?” ».

05/02/2022

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