« Ton identité ou le foyer pour mineurs » : un nouvel exemple de répression

Les contrôles d’identité continuent à Bure&environs mais récemment plusieurs personnes ont refusé de donner leur identité ou n’ont pas fourni les documents nécessaires à leur identification, puis ont refusé de donner leurs empreintes et photos ce qui constitue un délit : refus de signalétique, et placement en garde-à-vue. Dans un cas récemment, les flics ont réussi à trouver par eux-même l’identité de la personne, qui est sortie de garde-à-vue avec une convocation à un procès (auquel elle a été condamnée à des jours-amendes). Dans plusieurs autres cas, des personnes sont allées en garde à vue et sont sorties sans suites : en voici un exemple.

En allant au festival des Bure’lesques, des copaines ont subi (comme tout le monde ce week-end là) un contrôle d’identité. Deux d’entre elles ont refusé de donner leur identité. Elles ont été embarquées au comissariat de St-Mihiel (à 60 km de Bure, c’est beaucoup plus amusant), pour une vérification d’identité puis une garde à vue pour refus de donner leurs empreintes digitales.

Mais le procureur de la République de Bar-Le-Duc, Olivier Glady, avait plus d’un tour dans son sac. Il a décidé que les deux copaines avaient l’air bien jeunes, qu’il y avait donc une suspicion de minorité, et qu’elles devaient être remises à l’aide sociale à l’enfance (ASE). (Elles étaient toutes les deux majeures.)

Les gendarmes ont donc eu un nouveau moyen de pression pour pousser à donner les identités réelles et vérifiables : c’était le seul moyen de prouver qu’elles avaient plus de 18 ans. Sinon, elles allaient être envoyées dans un terrifiant foyer pour mineur, peut-être à l’autre bout du département…

Encore une fois, c’est révoltant de se rendre compte que juste à cause de son âge, on peut être envoyé par le procureur où bon lui semble, sans raison pénale ; qu’on doit être en permanence sous la responsabilité de ses parents, et, si on n’en a pas, sous celle de l’État.

Mais le plus insupportable a été le sentiment d’être, visiblement uniquement sur la base de leur apparence, « rabaissées » au rang de mineures (un sentiment qui en dit long sur le mépris que notre société réserve aux plus jeunes que soi).

L’une des personnes a choisi à ce moment-là de donner son identité, son témoignage :

«Lors de mon contrôle d’identité, je n’ai pas donné d’identité mais j’ai assuré être majeure. L’Officier de Police Judiciaire qui s’occupait de la copine est venu nous voir pour me demander quelle était l’identité de cette personne et notament son âge car ils ne savaient pas, à en juger sa seule apparence, si elle était majeure ou mineure. Lors de ma garde à vue, je n’ai pas non plus donné d’identité et tout s’est bien passé jusqu’à deux heures avant la fin des 24 heures, avant la fin présumée de ma privation de liberté. Mais, à ce moment-là, mon Officier de Police Judiciaire m’informe que le procureur de la république (Glady) suspectant ma minorité demande mon placement en foyer pour mineurs. Après plusieures questions, j’apprends que ce foyer peut être aux quatre coins de la Meuse (département dans lequel j’étais retenue) et que de toute façon il me faudra aussi là-bas justifier mon identité pour pouvoir retrouver ma liberté. Usée par 24 heures de garde à vue, voyant que de toute manière le fait de donner mon identité chez les gendarmes ou à l’assistante sociale sera le même puisque le procureur de la république le connaîtra et pressée car il fallait donner au plus vite mon identité pour qu’ils puissent la vérifier, j’ai cédé. Une fois mon identité donnée, l’Officier de Police Judiciaire de l’autre personne prend mon nom et dit «c’est pour l’otage», pour faire pression pour qu’elle aussi elle donne son identité. Il me semble aujourd’hui avoir cédé beaucoup de chose sous la pression, ce qui n’était pas nécéssaire puisque j’aurai pu partir beaucoup plus facilement du centre pour mineurs.»

L’autre n’a pas donné d’identité, elle a effectivement été remise à un éducateur de l’ASE, qui l’a emmené dans un centre d’accueil d’urgence pour mineurs. Et le plus ridicule est que, très loin du foyer décrit par les gendarmes, c’était un centre ouvert, à Commercy, sans gendarme ni surveillant, d’où elle a pu partir sans problème. Elle a simplement été déclarée « mineur en fugue » par les éducateurs (pour se couvrir de la responsabilité). Donc, comme toujours, ce n’était que du bluff de la part des gendarmes.

Le lendemain cette personne a de nouveau été contrôlée. Après la vérification d’identité, elle a été directement ramenée au centre pour mineurs, sans être placée en GAV, au grand desespoir des gendarmes. Le rôle de l’ASE n’étant pas d’accueillir des majeurs, il lui a très rapidement été demandé de partir.


A noter que l’ASE est organisée par département (décentralisation), il est donc probable que les choses ne se passent pas pareil en dehors de la Meuse.

D’après le code civil (article 375-3, 4 et 5, sur l’assistance éducative), « si la protection de l’enfant l’exige, le juge des enfants peut décider de le confier […] à un service départemental de l’aide sociale à l’enfance ». Mais, « en cas d’urgence, le procureur de la République du lieu où le mineur a été trouvé a le même pouvoir ». Le procureur doit dans ce cas saisir le juge des enfants dans les 8 jours.

Nous souhaitons souligner à l’occasion de cet article l’invisibilisation des contraintes des mineures, des pressions et structures d’enfermement spécifiques, de l’inégalité juridique que provoque le statut de mineur et de l’âgisme de l’Etat et de la société en général.

13/08/2019

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